LANDS OF MURDERS : chronique

22-07-2020 - 14:54 - Par

LANDS OF MURDERS : chronique

Le remake allemand du polar espagnol LA ISLA MINIMA ne démérite jamais et distille avec maîtrise son ambiance craspec.

 

L’exercice du remake est des plus périlleux, surtout lorsqu’un réalisateur s’y essaie à peine six ans après la sortie de l’original (acclamé, qui plus est). LANDS OF MURDERS ressemble de très près à LA ISLA MINIMA, jusqu’à reprendre ses vues plongeantes sur des marécages, si typiques de l’original. On comprend ce qui a pu séduire un cinéaste allemand dans ce polar espagnol. Le film d’Alberto Rodriguez enquêtait sur un tueur en série dans les années 80, au lendemain du franquisme, réunissant deux flics à la moralité et aux méthodes opposées ; LANDS OF MURDERS s’intéresse, lui, à l’Allemagne fraîchement réunifiée. Là encore, un flic de l’Ouest, Patrick (Felix Kramer, de la série DARK), et un autre de l’Est, Markus (Trystan Pütter, de BABYLON BERLIN ou TONI ERDMANN), s’associent pour traquer un assassin de jeunes femmes, dans un coin reculé de l’ex-RDA. L’unité du pays est encore fragile, les anciennes habitudes ont la dent dure et les deux policiers ne partagent pas exactement la même vision du métier… Quoique chacun trouvera, à un moment de l’enquête, quelque vertu chez l’autre. Une manière maline pour le réalisateur Christian Alvart d’examiner à la loupe la frontière ténue entre le bien et le mal, entre le justicier et le bourreau. Patrick et Markus sont appelés suite à la disparition de deux sœurs, dont on découvre vite les cadavres. On dit les filles « faciles » évidemment, puisqu’elles étaient jeunes, jolies et avaient envie de quitter ce trou paumé. Les deux policiers vont s’intéresser aux garçons du coin, certains inoffensifs, d’autres plus nocifs pour des jeunes femmes naïves. LANDS OF MURDERS raconte avec beaucoup de nuances ce sens du devoir qui habite les deux flics de la même manière, mais aussi les contours de leur propre paternalisme. Dans cette manière de prendre fait et cause pour les femmes, cibles de la folie des hommes, LANDS OF MURDERS rappelle les récits nordik-noirs, souvent fondé sur les violences faites aux femmes, que le cinéma scandinave a tiré de la riche littérature policière du nord. On pense donc à la fameuse saga danoise DEPARTEMENT V par exemple, alors qu’en même temps, le film évoque, comme LA ISLA MINIMA, les ambiances poisseuses et les perversités sectaires de TRUE DETECTIVE, jusqu’aux couleurs très denses, aux contrastes forts, aux paysages désœuvrés et à l’omniprésence d’une nature primitive. En revanche, ici, peu de digressions philosophiques prétentieuses : le récit est en ligne claire, sans twist spectaculaire ni révélation tonitruante. Solide et bien écrit, LANDS OF MURDERS nous captive comme un vieux polar à l’ancienne.

De Christian Alvart. Avec Felix Kramer, Trystan Pütter, Nora von Waldstätten. Allemagne. 2h09. Sortie le 22 juillet

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