ROCKS : chronique

09-09-2020 - 09:41 - Par

ROCKS : chronique

Du réalisme social britannique très moderne sous le regard bienveillant de la réalisatrice de RENDEZ-VOUS À BRICK LANE.

 

Rocks a 15 ans, un petit frère qui s’appelle Emmanuel et une maman… qui va jouer les filles de l’air. Mener de front les études, le regard des autres et les services sociaux qui veulent la placer, c’est beaucoup demander à une adolescente qui désire simplement s’amuser et devenir esthéticienne quand elle sera plus grande. Les copines sont là pour la bousculer, l’épauler et l’accompagner, même si Rocks les repousse parfois, couverte de honte et drapée dans son indépendance. La sororité, quand elle est filmée avec honnêteté et sans dramaturgie factice, a un pouvoir cinématographique galvanisant. Ce que retient Sarah Gavron de ce East London populaire, ce n’est pas tant la pauvreté, la colère ou la violence trop souvent représentées en fiction, mais la résilience, la joie, le partage des cultures. Pas comme dans un guide politiquement correct sur le vivre ensemble, non : à la tête du film, aux côtés de la cinéaste connue pour ses récits au féminin (on lui doit aussi LES SUFFRAGETTES), Theresa Ikoko, autrice engagée, vise à ce que la fiction anglaise reflète vraiment la réalité du pays. Alors que le socio-réalisme britannique est souvent synonyme de contestation, de tragédie, voire de misérabilisme, elles insistent sur un quotidien, pas facile certes, mais rempli de normalité et de bonheur. Si le récit est en ligne claire, voire un peu prévisible, Sarah Gavron l’étoffe de moments de vie et d’amitié adolescentes, où les jeunes filles laissent entrevoir leurs rêves entre deux parties de rigolade. C’est là que le film interroge le déterminisme et devient plus poignant. Quelles sont les chances pour que le talent et la joie de vivre de ces gamines soient cultivés suffisamment pour qu’elles deviennent exactement qui elles veulent être ? Peuvent-elles vraiment espérer faire ensemble les 400 coups sans en payer un prix plus cher que d’autres ? ROCKS fonctionne comme un boomerang : d’abord un ton flirtant avec le feel good, la tranche de vie inspirante, puis, en contrecoup, un film plus triste et réflexif, comme un compte à rebours vers l’âge adulte, un âge qui sera plus compliqué. Avec une caméra alerte, vive, curieuse, Sarah Gavron laisse ses jeunes comédiennes être elles-mêmes une bonne partie du temps, mais quand les besoins du récit reprennent le dessus, nos actrices amatrices jouent parfaitement leur rôle, se révélant de très prometteuses graines d’artistes. Pas forcément conscientes de l’illumination immédiate que provoquent leurs sourires et leurs rires, elles sont indéniablement la force de ROCKS, petit film doté d’un grand cœur.

De Sarah Gavron. Avec Bukky Bakray, Kosar Ali, D’Angelou Osei Kissiedu. Grande-Bretagne. 1h33. Sortie le 9 septembre

3Etoiles

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.