THE DIG : chronique

27-01-2021 - 11:37 - Par

THE DIG : chronique

Après un premier long remarquable, Simon Stone impressionne avec ce mélo archéologique qui l’impose comme un esthète et un cinéaste important.

 

Metteur en scène star sur les scènes de théâtre du monde entier, Simon Stone aurait pu se lancer au cinéma dans une œuvre tonitruante, clinquante, à même de ressembler à ses pièces choc et ambitieuses. Mais il faut croire que l’Australien de 36 ans prend le cinéma avec l’humilité des débutants. Et c’est tout à son honneur. Car il en a du talent, beaucoup et à voir son premier film (LE SECRET DES FINCH, voir p.107) et ce nouveau THE DIG, on est certains qu’il va compter dans l’industrie. Sur le papier, ce second film étonne. Alors que Stone pousse l’hyper contemporain au maximum dans ses spectacles – allant jusqu’au joyeux blasphème de réécrire Tchekov ou Ibsen à l’aune d’aujourd’hui –, il se glisse là dans le corset du film d’époque – l’Angleterre à l’orée de la Seconde guerre mondiale. Ici se joue l’authentique découverte archéologique majeure et inattendue dans les recoins de la propriété d’une jeune veuve, tandis que la guerre s’annonce au loin. Un film qui creuse fait forcément craindre la poussière. C’est tout l’inverse. Armé d’une caméra virtuose, sensible, le regard de Stone sur ces personnages d’hier est profondément contemporain car il ne cesse de vouloir saisir la vie en mouvement dans un monde hanté par la mort. Elégie somptueuse et romanesque, THE DIG creuse le sol pour ouvrir les plaies de ses personnages, de cette veuve qui se sait condamnée (Carey Mulligan, dont ce sera la grande année, ici tout en rudesse feutrée), de cet expert en fouille, artisan délicat que les pontes méprisent (Ralph Fiennes, moins histrion que d’ordinaire, très touchant), de cette jeune archéologue qu’on renvoie inlassablement à son statut d’épouse (Lily James, dans un beau personnage résigné), de tout un ensemble de figures que Stone filme comme une famille improvisée, fragile et éphémère. C’est parce qu’il est hanté par la mort que THE DIG est aussi vibrant, vivant et qu’il ose raconter ce monde et ses doutes par la beauté pure, juvénile quasi insolente de ses plans. Par une caméra très mobile, toujours comme en suspension, Stone cherche à constamment marier l’infiniment grand des paysages, des conflits qui arrivent, de l’Histoire qui nous surplombe à l’infiniment petit des non-dits, des sentiments qui affleurent, des cœurs qui se brisent ou se retrouvent, de cette sensation étrange que nos vies sont le centre de notre monde et pourtant rien. Si la filiation avec le cinéma de Malick, sa façon cosmogonique de raconter des histoires est une évidence, THE DIG est une œuvre singulière, délicatement puissante qui, sous les ors du film en costumes, ravive le temps passé pour nous aider à aimer le temps qui reste. Impressionnant.

De Simon Stone. Avec Carey Mulligan, Ralph Fiennes, Johnny Flynn. Grande-Bretagne. 1h52. Le 29 janvier sur Netflix

4Etoiles

 

 

 

 

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