D’OÙ L’ON VIENT : chronique

22-06-2021 - 17:30 - Par

D’OÙ L’ON VIENT : chronique

Le quotidien de la communauté latino-américaine d’un quartier de New York transformé en épopée musicale, politique et poétique par le créateur de « Hamilton ».

 

Comme l’été, D’OÙ L’ON VIENT arrive pile au bon moment. Du cinéma en grand qui donne la sensation d’une éclaircie sur l’écran. C’est ça aussi, l’effet euphorisant de la comédie musicale. Et Lin-Manuel Miranda, l’auteur, et Jon M. Chu, le réalisateur, en savent quelque chose. D’un côté, le parolier et musicien de l’un des plus gros spectacles de la décennie passée, HAMILTON ; de l’autre, le réalisateur-clippeur très doué de la saga des SEXY DANCE, la franchise qui a sublimé le film de hip-hop. Deux créateurs très contemporains, avides d’empoigner l’époque, sa modernité et de la faire résonner avec le plus canonique et classique des genres. Comédie musicale rap, chaloupée sur des airs latino, D’OÙ L’ON VIENT sidère d’abord par son geste frondeur couplé à son hyper élégance. En quelques minutes, le temps d’un réveil collectif en plein cœur d’un quartier de New York acculé par la chaleur, le film orchestre une puissante polyphonie où s’entremêlent les personnages, les sonorités, les corps, les générations. Soudain, c’est une communauté entière qui prend vie à l’écran. Et c’est tout le propos politique et puissant de ce récit choral où les rêves d’une nouvelle génération croisent les sacrifices des aînés. La rue, le salon de coiffure, les parcs, les appartements deviennent le théâtre d’une clameur populaire et intime qui raconte l’Amérique des immigrés, leurs espoirs, le doute, la gentrification et le rêve d’ailleurs comme seule échappée. Emporté par le flow, on glisse de personnage en personnage avec le sentiment d’assister ici à une œuvre au croisement du temps, hyper contemporaine et toujours connectée au passé. C’est la grâce de la mise en scène ludique et élégante de Jon Chu qui sait soudain intégrer le graffiti dans l’image pour mieux le contrebalancer avec des claquettes, rend hommage au grand Busby Berkeley dans une piscine municipale ou convoque l’abstraction de Bob Fosse dans les couloirs fantasmés de la mort et du métro new-yorkais. Le phrasé de Lin-Manuel Miranda (formidablement traduit dans les sous-titres) donne une énergie, un pouls que la troupe emmenée par l’excellent Anthony Ramos vit comme un combat. Ils courent après les mots, les domptent, les tordent et soudain, ce sont les langues, les sonorités qui dansent sur l’écran avec une virtuosité fascinante. Évidemment, quand le tempo décroît dans des moments plus suspendus, le film ralentit et risque de s’essouffler. Peut-être que les 2h20 de cette épopée sont un peu excessives mais c’est la contre-partie d’un cinéma généreux, foisonnant qui n’a qu’une envie : se confronter à l’époque pour la réenchanter. La démonstration grandiose et intime du pouvoir de la comédie musicale. 

De Jon M. Chu. Avec Anthony Ramos, Leslie Grace, Corey Hawkins. États-Unis. 2h23. En salles le 23 juin

4Etoiles

 

 

 

 

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