TEDDY : chronique

29-06-2021 - 19:26 - Par

TEDDY : chronique

Premier long-métrage « seul en duo » des frères Boukherma, TEDDY est une oeuvre hybride brillante, aussi référencée que pensée.

 

C’est l’histoire d’une hybridation. Il y a d’abord celle de Teddy, le héros éponyme du second film de Ludovic et Zoran Boukherma. Dans un petit village des Pyrénées, il est la bête noire qui emmerde le monde. Le fauteur de troubles grande gueule au look de métalleux, pas méchant mais rabroué par tous. À 19 ans, il vit chez son oncle adoptif un peu simplet et travaille en intérim dans un salon de massage. L’avenir, il le voit en rose avec un R comme Rebecca, la jeune fille dont il est amoureux. Sauf qu’un soir, dans les bois à deux pas de sa porte, il est griffé par quelque chose. Commence alors une inévitable transformation de l’homme en loup. Puis il y a le mélange des références car chez TEDDY, le métissage est roi. Les influences des frères Boukherma sont multiples mais surtout sans hiérarchie aucune. Le film oscille avec une aisance folle entre fantastique où se bousculeraient CARRIE, John Landis et la trilogie du samedi, et un certain naturalisme francophone allant de P’TIT QUINQUIN aux frères Dardenne en passant par le drame type ELEPHANT et la littérature qui va chercher du côté de « La Bête humaine » et de John Steinbeck. C’est riche mais digéré par une écriture simple qui ne cherche jamais le zèle. Au-delà de son héros qui s’inscrit aisément dans la lignée d’un TEEN WOLF, TEDDY a aussi de juvénile une appétence intacte pour le genre. Il n’est pas le premier à le faire, au contraire, la résurgence du fantastique en France se confirme un peu plus chaque année, mais il fait partie des rares à aller au bout. Pas de pincettes, pas de chichis, on montre avec délectation. Le constat est clair : l’horreur rigolote à l’américaine se conjugue merveilleusement bien avec le social déchirant à la française. Seulement, les jumeaux Boukherma savent qu’ils ne peuvent pas se contenter de références, plus ou moins pop, savamment dosées pour faire un film. Cette métamorphose du garçon rejeté en créature vengeresse résonne un peu plus amèrement de nos jours, bien au-delà de la thématique adolescente à laquelle elle est associée. Le tandem a quelque chose à raconter d’une jeunesse laissée pour compte, rurale ici, mais d’ailleurs aussi. De jeunes gens aux perspectives sapées avant même leur majorité, à qui la chance, qu’on ne leur a pas donnée, ne sourit jamais non plus ; et pour qui le déraillement devient une porte de sortie. Pourtant, à l’instar de leur WILLY 1ER, co-réalisé avec Hugo Thomas et Marielle Gautier, Ludovic et Zoran ne croient pas ici aux destins tracés mais plutôt à l’inconnue x dans l’équation de nos vies qui nous ferait basculer d’un côté ou de l’autre. Une déclaration de guerre à un déterminisme délétère.

De Ludovic et Zoran Boukherma. Avec Anthony Bajon, Ludovic Torrent, Christine Gautier. France. 1h28. En salles le 30 juin

4Etoiles

 

 

 

 

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