Cannes 2021 : BENEDETTA / Critique

09-07-2021 - 19:10 - Par

Cannes 2021 : BENEDETTA / Critique

De Paul Verhoeven. Sélection officielle, Compétition.

 

Étrangement distant, Benedetta n’est pas la fronde sulfureuse qu’on imaginait. Dans la comédie humaine qui s’y joue, il peut en revanche être passionnant.

Deux nonnes prenant du plaisir avec un objet saint taillé en godemichet suffisent-elles à faire de BENEDETTA une provocation ? Non, surtout quand la caméra est très retenue, qu’elle ne participe jamais à l’orgasme des personnages. Non pas qu’on espérait qu’elle soit lubrique ou voyeuse, mais sa place d’observatrice entraîne un manque de relief. On s’interroge : un regard sulfureux aurait-il été plus idoine ? La pornographie de l’acte sexuel entre épouses de Dieu n’est pas ce qui intéresse Verhoeven aujourd’hui. Ç’aurait peut-être été le cas à une époque, par esprit séditieux, mais plus maintenant. BENEDETTA n’est pas ce qu’on attendait, il est plus sage que ça. C’est d’un côté un portrait de femme consumée par ses interdits, dont la quête de pouvoir frise l’érotomanie ; de l’autre, un constat sévère de la mainmise du patriarcat sur la religion et de la culpabilité dont cette dernière accable toutes les femmes, dévotes ou putains – les parallèles entre religion et prostitution sont nombreux. Peut-être que Verhoeven, conscient d’être bien malgré lui un agent du patriarcat, a allié le geste à l’intention : il n’offre aucune sensualité à ses deux héroïnes, Benedetta (Virginie Efira) et Bartholomea (Daphné Patakia), et comme la société de l’époque ne pouvait concevoir que deux femmes puissent se passer des hommes, il filme leur jouissance a minima. A-t-il ainsi théorisé sa mise en scène ? Lui, dit s’être arrogé les services d’une directrice de la photo pour que le premier regard, féminin, désamorce son male gaze. On ne déplore aucune exploitation des corps, certes, mais cette mise à distance, cet excès de roideur, provoque une autre objectification. BENEDETTA n’est donc pas forcément un grand film de mise en scène, mais ce qu’il or- chestre de rapports de force entre les femmes elles-mêmes et au sein de la hiérarchie cléricale est fascinant. Chaque personnage possède sa propre médiocrité (c’est un film cruel), qu’il justifie par l’abandon de son libre arbitre au Seigneur. De l’esprit salace et misogyne du Nonce à la cupidité crasse de l’Abbesse, la foire aux monstres est ouverte. Quand Benedetta se découvre les stigmates du Christ sur le corps, le point de vue se fait moins ouvertement critique de la religion mais plus mystérieux. Fort d’un récit subjectif, d’un montage en trompe l’œil, le film nous laisse croire ou pas au destin sacré de la sœur, pencher pour les illuminations de Be- nedetta – ses visions sont un summum de kitch difficile à prendre au sérieux – ou les accusations de sœur Christina (convaincante Louise Chevillotte) qui va se corrompre dans la justice des hommes. Une écriture magistrale des personnages. 

De Paul Verhoeven. Avec Virginie Efira, Daphné Patakia, Lambert Wilson. France. 2h11

 

 

 

 

Benedetta1

Benedetta2

Benedetta3

 

 

 

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