Cannes 2021 : BERGMAN ISLAND / Critique

12-07-2021 - 00:05 - Par

Cannes 2021 : BERGMAN ISLAND / Critique

De Mia Hansen-Løve. Sélection officielle, Compétition.

 

Synopsis officiel : Un couple de cinéastes s’installe pour écrire, le temps d’un été, sur l’île suédoise de Fårö, où vécut Bergman. A mesure que leurs scénarios respectifs avancent, et au contact des paysages sauvages de l’île, la frontière entre fiction et réalité se brouille…

Une île, un couple et les fantômes du cinéma. Un beau film solaire sur ce que fait le cinéma à nos vies.

Mia Hansen-Løve s’évertue toujours à filmer l’invisible. Les traces qu’on laisse sur les autres (LE PÈRE DE MES ENFANTS), la sensation d’appartenir à une génération (EDEN, son plus beau film), l’envie d’être quelqu’un d’autre (L’AVENIR). BERGMAN ISLAND se confronte, lui, à ce que les films déposent en nous. Sur cette île de Fårö, le fantôme d’Ingmar Bergman et de ses films occupent tout l’espace. Mais, alors que le cinéma de Bergman est extrêmement sombre et torturé, Mia Hansen-Løve compose dans ce paysage de sable et de dunes, un film profondément lumineux. BERGMAN ISLAND fonctionne comme une longue catharsis, une longue introspection ouverte aux vents de cette île, des rencontres, des images de cinéma et des souvenirs. Un peu cachée par l’ombre tutélaire de son mari cinéaste (Tim Roth, dans un rôle elliptique), Chris (magnifique Vicki Krieps, tout en délicatesse) cherche l’inspiration pour écrire un film, alors que son mari, lui, semble toujours maître de son stylo et de son imaginaire.

Par petites touches, Hansen-Løve propose une première partie en forme de villégiature. Dans les pas égarés de Chris, le film se promène entre projections en public, visite guidée et discussions cinéphiles. Mais par le pas de côté de ce personnage pas tout à fait dans la lumière, Hansen-Løve amène un regard critique sur cette manière de capitaliser sur les films, de produire du discours sur le cinéma, de célébrer les chefs-d’œuvre. Une façon tendre et légèrement ironique de décaler le point de vue attendu et préférer les chemins de traverse aventureux et intimes aux sentiers balisés et révérés. Quand Chris s’échappe et qu’elle croise la route d’un jeune homme qui l’emmène ailleurs sur l’île, au plus proche du cinéma de Bergman, quelque chose de lumineux advient. Le cinéma comme une rencontre, le cinéma non pas comme du discours, de la théorie, de la hiérarchie mais comme un moyen d’être au monde. Alors, quelque chose se libère, et Chris écrit. Soudain le film se renverse, Hansen-Løve ouvre un film dans le film, sublime romance impossible entre Mia Wasikowska et Anders Danielsen Lie. Et cette première partie d’éclairer soudain le film en train de se créer comme une variation délicate de la réalité, un jeu de piste sur les non-dits et les possibilités de la fiction. Le plaisir d’une rencontre, la tristesse des adieux, la douceur de ressentir encore quelque chose – magnifique scène sur du ABBA, vivifiante et triste à la fois.

Joliment, Mia Hansen-Løve floute alors les contours de son propre film et nous fait vivre, à nous spectateurs, l’expérience troublante de l’écriture où réalité et fiction se mélangent, où le cinéma semble partout et nulle part à la fois. Un dernier mouvement, intriguant et très moderne, qui vient clore un film comme un voyage, d’un personnage vers la fiction, d’un film vers son sujet, du spectateur vers le cinéma. Du cinéma qui, l’air rien, avec la délicatesse de l’intime et l’élégance d’une mise en scène toujours au bord de l’inquiet, réussit à capter cet invisible, ce charme mystérieux qui transforme les films en compagnon de vie.

De Mia Hansen-Løve. Avec Vicky Krieps, Tim Roth, Mia Wasikowska. France. 1h52. En salles le 14 juillet

 

 

 

 

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