Cannes 2021 : BRUNO REIDAL / Critique

12-07-2021 - 16:02 - Par

Cannes 2021 : BRUNO REIDAL / Critique

De Vincent Le Port. Semaine de la Critique.

 

Pour son premier long-métrage, Vincent Le Port s’attaque au cas d’un jeune meurtrier du début du XXe siècle. Troublant. 

En 1976, René Allio réalisait MOI, PIERRE RIVIÈRE, AYANT ÉGORGÉ MA MÈRE, MA SŒUR ET MON FRÈRE…, récit adapté du livre éponyme de Michel Foucault qui rassemblait les écrits d’un jeune parricide normand du XIXe siècle. Dans une démarche presque documentariste, le cinéaste embarquait le spectateur dans une implacable tragédie tout en restant à bonne distance, permettant un regard critique sur son sujet pour mieux en saisir toutes les intrications à l’œuvre. À bien des égards, BRUNO REIDAL, premier film de Vincent Le Port, s’inscrit dans sa directe lignée. Lui aussi adapte les écrits d’un meurtrier, le jeune Bruno Reidal, 17 ans, qui s’est rendu à la police après avoir tué et décapité un jeune adolescent de 12 ans au début du XXe siècle. Le film commence d’ailleurs ainsi, par cette mise à mort, plus suggérée que montrée, pour revenir sur le parcours, à la première personne, de cet inéluctable tueur. Et c’est bien là où il diffère de l’œuvre de René Allio. Dans une reconstitution du Cantal de l’époque, au croisement du lyrisme et du naturalisme, Bruno se raconte par une voix-off, souvent envahissante mais vecteur d’une distance salutaire pour celui qui regarde. Sa vie difficile, son combat contre les pulsions assassines envers les garçons qu’il considère mieux nés qu’il étouffe comme il peut par une masturbation frénétique, ainsi que son attrait pour la religion, à la fois garde-fou et instigatrice de son passage à l’acte : tout y est décrit et montré avec la même précision clinique, signe de la lucidité et de l’intelligence de cette âme qui se sait damnée. Cependant, le film rompt avec cette distance qu’il avait installée, lorsque le meurtre, évoqué succinctement au début, et sa préparation, nous sont remontrés par le menu. Jouant avec un suspense et une crudité qui frôlent l’obscène, cette séquence a aussi le mérite, pour le spectateur comme pour Bruno, de remettre les pendules à l’heure et d’éviter toute forme de complaisance à son endroit. Elle rappelle le caractère subjectif du récit ainsi que sa volonté réussie de ne jamais chercher à justifier de manière définitive le mal mais plutôt à en montrer sa force immanente et tragique. À l’instar des psychiatres qui l’observent, on ressort déboussolé de BRUNO REIDAL, mais incontestablement secoué. Et ravi d’avoir découvert un acteur aussi puissant que le jeune Dimitri Doré.

De Vincent Le Port. Avec Dimitri Doré, Jean-Luc Vincent, Roman Villedieu. France. 1h41. Prochainement

 

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