Cannes 2021 : THE VELVET UNDERGROUND / Critique

08-07-2021 - 08:00 - Par

Cannes 2021 : THE VELVET UNDERGROUND / Critique

De Todd Haynes. Sélection officielle, Hors Compétition.

 

Synopsis : L’histoire du Velvet Underground, groupe composé de Lou Reed, John Cale, Moe Tucker, Sterling Morrison et à ses débuts Nico, dont le premier album publié en 1967 avec une pochette réalisée par Andy Warhold, reste l’un des plus influents de l’histoire du rock.

Devrait-on désormais confier les documentaires musicaux uniquement à de grands cinéastes, à la personnalité marquée et aux thématiques affirmées ? Après THE SPARKS BROTHERS, dans lequel Edgar Wright explorait tout ce qui constitue son cinéma depuis SPACED, THE VELVET UNDERGROUND permet à Todd Haynes de livrer un portrait extrêmement fidèle à l’esprit de son sujet, mais aussi au cœur et aux luttes de ses films. Par le truchement du documentaire, le cinéaste s’installe dans un rôle d’enquêteur, rejoignant ainsi deux de ses protagonistes, l’avocat Rob Bilott dans DARK WATERS et le journaliste Arthur Stuart dans VELVET GOLDMINE. Chez Todd Haynes, chercher son identité et l’affirmer nécessite souvent une quête de vérité. Pas nécessairement LA vérité – existe-t-elle seulement ? – mais une vérité. Celle intime, artistique ou politique, parfois les trois, qui relie le personnage, le cinéaste et le spectateur au monde, quitte à ce que ce lien prenne la forme d’un conflit ou d’un anticonformisme. Même si Haynes reste en retrait de THE VELVET UNDERGROUND – il ne conte pas le film en voix off par exemple, et n’apparaît jamais à l’écran –, il embrasse ici la plupart des quêtes qui, depuis ses premiers travaux, traversent son œuvre. Des quêtes esthétiques et plus largement d’éthique artistique qui mènent évidemment à des quêtes politiques et ce, même si Lou Reed assure ici que le Velvet Underground « n’a pas de message à faire passer ». Et pourtant, comment pourrait-il en être autrement, alors que les textes du chanteur explorent ses plus profondes noirceurs, ses désirs les plus inavouables – d’aucuns, à l’époque, diront ses pires déviances ? Comment tout ce que le Velvet Underground incarne de plus jusqu’au-boutiste ne pourrait pas se transformer en étendard d’un désir ardent de liberté, d’affirmation de soi, d’expérimentation psychique, physique et sexuelle, jusqu’à la réinvention ? Alors, tout comme le groupe dont il se réapproprie le nom s’était saisi d’une forme mainstream, la pop, pour la mener vers des pics extrêmes, grinçants et saturés, THE VELVET UNDERGROUND opte pour un récit classique (interviews et archives), linéaire et chronologique pour le faire muter. Haynes multiplie les collages d’images, certaines parfois indiscernables, pour approcher la quintessence sensorielle d’un morceau ou pour dessiner, de manière warholienne, les contours de l’époque qu’il portraiture. Un dispositif qui confine parfois au sublime lorsqu’il conte les enfances de Lou Reed et de John Cale en split-screens : d’un côté des archives illustratives et de l’autre, leurs regards en gros plan qui nous scrutent ou se perdent dans le vide. Peu à peu, l’enquête aboutit. Une vérité se construit lentement entre critiques inattendues de l’apparat imposé par Warhol et Barbara Rubin aux performances du groupe, témoignages touchants (notamment celui du musicien et fan Jonathan Richman) et sincérité désarmante de John Cale quant à la fulgurante déréliction des relations du groupe. Et THE VELVET UNDERGROUND de se conclure en apothéose bouleversante où l’accélération du temps ne détruit pas tout à fait l’amour, l’amitié et la complicité. Todd Haynes avait perçu et transmis les douleurs de Karen Carpenter dans SUPERSTAR. Chroniqué les souffrances et les luttes queer sous-jacentes au glamrock dans VELVET GOLDMINE. Sculpté un portrait en trompe-l’œil, exalté et inquiet, de Bob Dylan dans I’M NOT THERE. En rapportant la folie furieuse et créatrice du Velvet Underground, il parfait sa galerie de héros torturés du rock et met en bouteille cette « musique comme un orage qui gronde ».

De Todd Haynes. Documentaire. 2h. États-Unis. Le 15 octobre sur Apple TV+

 

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