Cannes 2021 : LES AMOURS D’ANAÏS / Critique

10-07-2021 - 16:00 - Par

Cannes 2021 : LES AMOURS D’ANAÏS / Critique

De Charline Bourgeois-Tacquet. Semaine de la Critique.

 

Synopsis officiel : Anaïs a trente ans et pas assez d’argent. Elle a un amoureux qu’elle n’est plus sûre d’aimer. Elle rencontre Daniel, à qui tout de suite elle plaît. Mais Daniel vit avec Emilie… qui plaît aussi à Anaïs. C’est l’histoire d’une jeune femme qui s’agite. Et c’est aussi l’histoire d’un grand désir.

Le portrait d’une jeune fille qui ne veut rien choisir. Pas très inspiré…

Le charme ça ne tient à rien. Juste une question d’équilibre. Film d’auteur primesautier, LES AMOURS D’ANAÏS confond vitesse et précipitation. Dans les pas de son héroïne virevoltante, le film choisit la cadence rapide d’une possible screwball comedy. Anaïs court, court, parce qu’elle n’a pas envie qu’on l’enferme – dans le couple, dans le boulot, dans la vie. Sur le papier, on a très envie de ça. Malheureusement, le film manque de recul et surtout, au fond, d’une mise en scène et d’un sujet singulier. Très vite, quelque chose coince. L’héroïne libre s’avère particulièrement agaçante, voire carrément mal élevée. Par manque de point de vue et de style, le film acte les petites crises du personnage comme un état de fait. Anaïs plante son mec au cinéma avec une violence déconcertante, Anaïs fait des petites crises d’angoisse qui mobilisent tout le monde, Anaïs se laisse draguer par un éditeur plus âgé qu’elle n’aime pas, Anaïs en fait pourtant des crises de jalousie… Jamais le film n’acte la fantaisie par une dextérité des dialogues ou de la mise en scène qui styliseraient l’ensemble, ni ne confronte ou ne questionne le caractère de son héroïne et son déni de réalité. Le film devient comme une lubie, une vague étude d’un personnage à peine dessiné, pas franchement passionnant, auquel on peine forcément à s’attacher. Bien sûr, Anaïs Demoustier a du charme et sait mieux que personne jouer le naturel désarmant. Mais on l’a déjà vue bien meilleure ailleurs, bien plus lumineuse et troublante (À TROIS ON Y VA) ou profonde et touchante (ALICE ET LE MAIRE), dans des films qui savaient utiliser son air toujours surpris comme une stylisation du monde. Alourdi par des dialogues bien trop littéraires, le film ressemble à un fantasme de film d’auteur libéré, à l’idée chic qu’on pourrait s’en faire entre parisianisme élégant, trauma familial en pointillé et goût de la transgression. Lorsque le film bascule enfin dans son véritable sujet, la passion d’Anaïs pour la femme de son amant, quelque chose se libère un peu. Valeria Bruni-Tedeschi amène du style, du romanesque en écrivaine troublée dans une belle scène d’alcôve. De même que l’épilogue, romanesque et fantasmatique, ouvre la porte à un autre film, plus délicat, dans la veine du cinéma d’Emmanuel Mouret. Dommage. Mais à nouveau, reste le sentiment que cette bascule du désir est traitée comme une lubie, quasi un hobby. Tout en surface, tout en démonstration. Comme si les AMOURS D’ANAÏS était avant tout l’histoire d’un personnage qui s’aimait beaucoup trop lui-même pour s’intéresser vraiment aux autres. Le symptôme d’un cinéma qui, au fond, n’a peut-être pas tant à nous raconter.

De Charline Bourgeois-Tacquet. Avec Anaïs Demoustier, Valeria Bruni-Tedeschi, Denis Podalydès. France. En salles le 15 septembre

 

AmoursAnais 1

 

 

 

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