Cannes 2021 : STILLWATER / Critique

08-07-2021 - 21:30 - Par

Cannes 2021 : STILLWATER / Critique

De Tom McCarthy. Sélection officielle, Hors Compétition.

 

Comme il le fait régulièrement, Bill Baker se rend en France pour voir sa fille Allison, emprisonnée pour un meurtre qu’elle nie avoir commis. Une rumeur fait alors surface qui pourrait l’innocenter et Bill décide d’enquêter par lui-même… Lorsqu’on rencontre Bill Baker, il déblaie des gravats causés par le passage d’une tornade. Foreur de pétrole en quête de travail, il conduit un énorme pick-up à travers le midwest, il allume la télé à peine rentré chez lui et prie avant de manger. Alors quand il débarque à Marseille, comment ne pas s’attendre à un énorme choc des cultures ? C’est la première surprise réservée par STILLWATER : ne jamais jouer sur des ressorts trop soulignés de différences culturelles. Bill apparaît même comme un poisson dans l’eau dans la cité phocéenne, peut-être parce qu’il y croise le même genre de cols bleus que lui. Peut-être aussi parce que la France est parcourue des mêmes préjugés, des mêmes luttes (des classes), des mêmes méfiances – notamment à l’encontre des élites culturelles. Toute l’intelligence de STILLWATER réside dans cette quête assez douce de naturalisme, voire de véracité. Ici, aucun acteur ne force son accent marseillais comme dans bon nombre de productions hexagonales, aucune carte postale facile, aucun élan à la TAKEN, aucun sentiment de se retrouver dans un parc d’attraction à destination de spectateurs américains en quête de béret-baguette. La caméra du chef opérateur Masanobu Takayanagi capte Marseille sans exotisme ni folklore, avec la même aisance, le même sérieux réaliste, les mêmes mouvements simples mais clairs qu’elle le faisait pour Boston dans SPOTLIGHT ou Portland dans TIMMY FAILURE – lui qui, chez Scott Cooper, a eu l’habitude d’observer la classe ouvrière et ses univers. Si bien que très vite, l’intérêt de STILLWATER ne réside plus dans l’enquête que mène Bill mais bien dans le quotidien que l’Américain se crée en France. Alors qu’il se lie d’amitié avec Virginie, une jeune comédienne (excellente Camille Cottin) et sa fille, le cœur de STILLWATER et les intentions de Tom McCarthy se révèlent. Malin en diable, le script se mue en étude de personnage qui raconte l’Amérique à travers la France et la France à travers l’Amérique, soulignant les différences certes, mais aussi les rapprochements. Mais surtout, la possibilité d’un vivre-ensemble au-delà de la langue, du sol ou du sang. On se perdrait volontiers dans ce long segment du film, parce qu’il trouve l’humain derrière le genre cinématographique – notamment grâce à Matt Damon, décidément capable de tout incarner avec la même dignité. Lorsque l’intrigue reprend le dessus, la crainte que STILLWATER déraille est grande. En dépit de quelques ressorts gênants, ce dernier tiers finit pourtant par retomber sur ses pattes avec grâce : il ne cède finalement à aucune facilité, ne se détourne d’aucun choix ardu. Et révèle pleinement, dans une jolie conclusion, le regard riche, complexe et transformé d’un homme.

De Tom McCarthy. Avec Matt Damon, Camille Cottin, Abigail Breslin. États-Unis. 2h20. En salles le 22 septembre

 

 

 

STILLWATER (2021)

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