Cannes 2021 : COW / Critique

08-07-2021 - 15:40 - Par

Cannes 2021 : COW / Critique

D’Andrea Arnold. Sélection officielle, Cannes Première.

 

Synopsis : Le quotidien de Luma, vache laitière en Angleterre, et de son veau à peine né.

L’industrie agro-alimentaire a réussi à faire croire que le terme « vaches laitières » désignait une catégorie de vaches naturellement productrices de lait. Non, aucune vache ne produit naturellement du lait. Comme tout mammifère, une vache n’allaite que parce qu’elle enfante. COW débute justement par une mise-bas. Un point de départ que la cinéaste Andrea Arnold capte sans cérémonial. Les gestes sont durs, les images aussi. Mais ce qui suit sera pire. Sans doute parce qu’Arnold prend le parti de ne rien commenter en voix off, de ne rien expliquer non plus. Elle, qui a souvent baigné ses films dans le naturalisme (FISH TANK) ou la spontanéité (AMERICAN HONEY), laisse parler ses images. Et ce qu’elle observe puis transmet à l’écran horrifie. D’aucuns diront que le spectateur projette la souffrance sur les comportements – Luma brame-t-elle vraiment parce qu’on lui enlève son veau quelques minutes après sa naissance ? Mais se poser la question c’est déjà, sans doute, accéder à une partie de la vérité, tant nos sociétés néolibérales nous ont trop souvent poussés à considérer les animaux comme des meubles dépourvus de la moindre émotion. Quoi qu’il en soit, même si l’on projette quelque chose d’humain, les images d’Arnold révèlent frontalement, très simplement, l’absurdité de tout un système de surproduction qui, pour satisfaire des besoins superfétatoires – les adultes n’ont pas besoin de lait –, sépare peu à peu la nature d’elle-même, au point de la nier. Un système où l’on finit par nourrir des veaux au biberon ou à des distributeurs automatiques en plastique alors que leurs mères débordent de lait. Un système où l’on se réjouit qu’un veau soit femelle, pour qu’il vienne plus tard alimenter la chaîne. Les mâles ? COW ne le montre pas, mais laisse le spectateur l’imaginer. En suivant le destin parallèle de Luma et du veau que l’on voit naître en ouverture, Andrea Arnold bâtit une dramaturgie en elle-même : ce que Luma subit, son veau le subira à son tour plus tard. Filmer cette tragédie atavique, comme un recommencement incessant et surréaliste, Arnold en fait un acte militant et de pure mise en scène. La caméra ne nous perd jamais dans le flot de vaches qu’elle filme, Luma et son veau toujours en ligne de mire. Tout ici n’est qu’acte forcé, aliénation, fatigue, lassitude, tout semble être une torture physique ou mentale – sensation renforcée par un découpage privilégiant les plans rapprochés et limitant les cadres larges au strict minimum. Si bien que cette réalité, souvent cachée, revêt presque des atours de fiction : verra-t-on cette année plus dystopique que ces vaches réunies en rond pour la traite, alors que résonnent dans leur hangar des chansons pop de bas étage crachées par une radio ?

D’Andrea Arnold. Documentaire. 1h30. Prochainement

 

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