Cannes 2021 : LES NUITS DE ZHENWU / Critique

13-07-2021 - 15:40 - Par

Cannes 2021 : LES NUITS DE ZHENWU / Critique

De Na Jiazuo. Sélection officielle, Un Certain Regard.

Synopsis officiel : Dongzi doit trouver de l’argent. Pour payer l’hôpital de son père, bien qu’ils ne soient pas proches. Pour séduire celle qu’il aime, bien qu’elle soit l’ex d’un chef de gang. Il devient collecteur de dettes. La nuit, dans les rues de Zhenwu, tout peut arriver…

 

Na Jiazuo dédie son premier long-métrage « aux âmes en quête de réconfort et d’apaisement ». Ses personnages en auraient bien besoin tant ils ne connaissent aucun répit. Loin du sublime trip film noir à néons du LAC AUX OIES SAUVAGES de son compatriote Diao Yinan, Na Jiazuo capture avec LES NUITS DE ZHENWU un univers interlope tout aussi fascinant. Un décor-monde urbain, gris, rouillé, humide, vétuste, boueux et bordélique, réification de la lassitude et de la fatigue ambiante, où tuyaux, végétation, détritus et fils électriques s’entremêlent comme carte figurative de sentiments complexes et contraires. Là, dans ce dédale que le cinéaste filme avec une profondeur de champs vertigineuse et des lignes de fuite comme ravins de l’âme, ses anti-héros se débattent. Avec leur situation financière, avec une sorte de no man’s land politique – comme si aucune autorité n’existait vraiment –, et surtout, leurs émotions. « Tonnerre sans éclairs, dispute entre ciel et terre, invisible aux mortels », récite Dongzi dans la toute première scène : ce tonnerre, c’est l’entrechoc des sentiments qui refusent de s’exprimer naturellement, honnêtement, et particulièrement ceux d’une masculinité que Na Jiazuo détricote et ridiculise. Après avoir fasciné le spectateur avec une baston en arrière-plan, captée par une caméra immobile, laissant croire qu’il allait mener son récit vers une sorte de néo-polar HK désespéré, drainé de toute spectacularisation ou opératisme, le cinéaste va lentement observer cette violence avec un recul froid et critique. Ici, les figures d’autorité – le père de Dongzi et le chef de gang – apparaissent sur-virils mais ne sont en réalité que des demi-hommes. Ils ne font que compenser leur manque d’empathie, leur incapacité à s’épanouir en dehors d’une masculinité d’Épinal. Ils chantent des morceaux pseudo-romantiques au karaoké, façade ridicule, et exagèrent chacune de leur réaction, chacun de leur geste, comme morts à l’intérieur. Face à cette insécurité masculine qui explose et embrasse la violence pour taire ses sentiments, quelle solution ? L’amour, évidemment. Mais LES NUITS DE ZHENWU, conscient de l’univers qu’il met en scène, ne lui laisse presque aucune chance. Reste l’abnégation, en attente d’un meilleur lendemain. « Comment faire ? Que faire ? Je ne sais pas », se lamente Dongzi. Une vision sans concession mais parfois un peu prisonnière des névroses de ses personnages au point d’en devenir paradoxalement clinique, dans une maîtrise constante un peu frustrante, incapable de rétorquer par une quelconque vague de sentiments un tant soit peu relâchés.

De Na Jiazuo. Avec Li Jiuxiao, Huang Miyi, Yu Ailei. Chine. 1h36. Prochainement

 

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