Cannes 2021 : TOUT S’EST BIEN PASSÉ / Critique

08-07-2021 - 11:31 - Par

Cannes 2021 : TOUT S’EST BIEN PASSÉ / Critique

De François Ozon. Sélection officielle, Compétition.

 

Drame de la société contemporaine, la fin de vie et la mort dans la dignité sont devenus depuis quelques années un sujet du cinéma d’auteur français. Le palmé AMOUR de Michael Haneke, QUELQUES HEURES DE PRINTEMPS de Stéphane Brizé, le très attendu VORTEX de Gaspar Noé, ou encore le récent succès de THE FATHER de Florian Zeller : des films qui affrontent la vieillesse, le déchirement des familles et le poids moral et philosophique de l’agonie ou de la mort volontaire. Mais qu’allait donc en faire François Ozon, cinéaste prolifique passionnant dont l’œuvre zigzague entre les genres, les formes et les tonalités ? Le résultat est à l’image et à la hauteur du regard singulier et perturbant du cinéaste.

Adaptant le récit personnel d’Emmanuelle Bernheim, François Ozon s’empare de ce sujet avec une étonnante malice, un regard toujours au bord du cruel et du tendre. Refusant les effets de manche mélodramatiques, il compose un film sec, tendu, qui de prime abord pourrait rebuter. Écrivaine, Emmanuelle (Sophie Marceau) apprend l’accident vasculaire-cérébral de son père (André Dussollier). La mécanique hospitalière se met en place mais très vite le regard d’Ozon se fait précis, s’attardant sur des détails très prosaïques (un sandwich à peine mangé, des lentilles de contact mal posées, de la salive qui coule, des gestes anodins…) qui décalent le regard. Il filme cette lente agonie d’un père et le choix de ses filles de l’aider à mourir comme un film d’action, tendu vers un but que l’on redoute. Tout en muscles et en mouvements, Sophie Marceau et Géraldine Pailhas courent, déplacent des objets, des gens, rentrent et sortent des pièces en trombe. Ozon filme le chaos intérieur par l’agitation des corps, le besoin de concret pour lutter contre l’abîme qui arrive. D’abord sec, le film n’en devient au fond que plus juste en préférant l’empathie par l’épreuve (des corps, des scènes terribles, des répliques cinglantes) à l’empathie par compassion.

On observe Emmanuelle (beau choix et belle direction de Sophie Marceau) et sa sœur (Géraldine Pailhas, parfaite en contrepoint) se débattre avec ce père indigne qui veut mourir dignement, braver la justice et sauter le pas sans jamais que le film ne cède à une sorte de réalisme pathos. Tout est concret et précis, brut et terriblement humain. Intelligemment, Ozon fait et assume un film sur la bourgeoisie, bardé de secrets de famille, de souvenirs traumatiques et de spectres honteux. Par ce mélange de prosaïsme brut et de romanesque tordu, Ozon glisse alors imperceptiblement et triomphalement vers un rire libérateur, de celui qui s’échappe de nous comme un signe irrépressible de vie. Face à ces deux comédiennes tendues vers un futur terrible et écrasées par un présent douloureux, la désinvolture capricieuse d’André Dussollier (dans une grande composition entre la douleur et le grotesque) fait glisser le film vers quelque chose d’étrangement cruel et sain. Un rire qui dérangera sûrement certains mais qui est pourtant le cœur battant de ce sujet terrible. L’absurdité quasi comique de devenir le père de son père, la cruauté des corps qui s’avilissent et l’étrange mélancolie qui fait qu’on reste pourtant et à jamais, l’enfant de nos parents.

De François Ozon. Avec Sophie Marceau, Géraldine Pailhas, André Dussollier. France. 1h53. En salles le 22 septembre

 

 

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