Cannes 2021 : LINGUI / Critique

De Mahamat-Saleh Haroun. Sélection officielle, Compétition.

 

Cannes a toujours son lot de films-sujet, des longs-métrages avec un agenda politique clair, provenant souvent de pays accablés par l’extrémisme religieux ou la dictature. Cette année, ce sera celui de Mahamat-Saleh Haroun, LINGUI – LES LIENS SACRÉS qui dénonce la condition des femmes au Tchad, où l’Islam radical régit en grande partie le quotidien. Amina est une fille-mère et a perdu le respect de sa communauté. Quand sa fille Maria tombe enceinte, démarre un parcours du combattant pour accéder à l’avortement. La sœur d’Amina, Fanta, tente, elle, de protéger sa propre fille de l’excision, imposé par le père. Les sujets de LINGUI sont cruciaux, fascinants et le seraient d’autant plus s’ils étaient traités avec un peu plus de cinéma qu’en l’état. Malgré une mise en scène souvent maline, des cadres composés avec sens et intelligence, et une photographie sublime, parfois cramée par le même dieu-soleil qui écrase la liberté des femmes, le film souffre d’un terrible manque de naturel. Du jeu emprunté de ses comédiennes à l’écriture du script mécanique, réduit aux mots utiles, à l’intrigue, et dégraissé de toute la beauté et la richesse d’une dramaturgie, LINGUI est réduit à son sujet et uniquement à lui. Ce qui pourrait être efficace n’est en fait que didactique. L’émotion affleure parfois, notamment parce que les enjeux sont importants et parce que la charge contre le patriarcat et la religion – bras armé du patriarcat, comme dans BENEDETTA, lui aussi en compétition – est féroce et sans peur. Et parce que voir un pays résister par la sororité, qui serait comme un réseau souterrain, est assez fantastique. Qu’un plaisir de cinéma se dégage de la hargne politique, c’est certain, mais qu’il manque de la matière et de la profondeur au film l’est tout autant.

De Mahamat-Saleh Haroun. Avec Achouackh Abakar, Rihane Khalil Alio, Youssouf Djaoro. France / Tchad. 1h27. Prochainement