Cannes 2021 : UN MONDE / Critique

09-07-2021 - 10:10 - Par

Cannes 2021 : UN MONDE / Critique

De Laura Wandel. Sélection officielle, Un Certain Regard.

 

Synopsis officiel : Nora entre en primaire lorsqu’elle est confrontée au harcèlement dont son grand frère Abel est victime. Tiraillée entre son père qui l’incite à réagir, son besoin de s’intégrer et son frère qui lui demande de garder le silence, Nora se trouve prise dans un terrible conflit de loyauté.

Peut-être de peur de ne jamais en réaliser un deuxième un jour, nombre de jeunes cinéastes tendent à tout mettre, trop mettre, dans leur premier long-métrage. Un éparpillement compréhensible, mais propice aux maladresses et aux débordements. On ne peut donc être que plus admiratif lorsque ce n’est pas le cas. Avec UN MONDE, Laura Wandel choisit un point de vue extrêmement spécifique et s’y tient 75 minutes durant. Et pas n’importe quel point de vue : celui d’une enfant de huit ans, à laquelle elle colle littéralement sa caméra, au plus près du visage et du corps, en longues focales floutant le monde alentour – saluons le travail des opérateurs.trices, absolument remarquable de précision. En de très rares occasions seulement, le découpage de Wandel élargit le cadre ou se « perd » en contre-champs, pour instiller un semblant d’espoir de courte durée. Cette mise en scène crée la sidération d’autant que Wandel la double d’un travail sonore lui aussi radical, poussant les décibels afin de retranscrire au mieux les sons criards, permanents et écrasants d’une cour et des couloirs d’école. UN MONDE porte ainsi parfaitement son titre : la cinéaste nous projette dans ce monde et jamais ne nous en sort. Aucune scène dans la rue. Aucune scène à la maison. Tout le récit se retrouve circonscrit à cet établissement primaire, aux gestes répétitifs, aux règles coercitives absurdes auxquelles on soumet les enfants, à ces souvenirs assez pesants que nous partageons tous – la piscine, la gym, les mesquineries. Et là se joue une tragédie du quotidien, d’une banalité confondante : des gamins en martyrisent un autre. Tout un équilibre familial s’en retrouve bousculé et peu à peu transformé. Nora tend vers son frère. Nora rejette son frère. Quelle sera l’issue ? Wandel maintient une tension constante – au point qu’elle apparaîsse parfois presque excessive tant elle plonge le spectateur dans un étouffant sentiment d’inéluctabilité. Mais la cinéaste se tient à son point de vue, quitte à épuiser son public. Elle convoque à l’écran les tristesses totales de l’enfance, celles que les adultes ne peuvent plus comprendre (comme laisser partir une maîtresse bienveillante), les cruautés inexplicables et les silences assourdissants avec un réalisme tel qu’on pourrait croire à un documentaire – la jeune Maya Vanderbecque est prodigieuse. Puis, après nous avoir essoré pendant 75 minutes dans la lessiveuse de l’enfance et de l’école, Laura Wandel nous laisse avec ce plan final splendide, écho inversé du tout premier, où un simple geste peut tout dire, presque tout guérir. Une lueur de résilience dans un monde terrifiant.

De Laura Wandel. Avec Maya Vanderbecque, Günter Duret, Karim Leklou. Belgique. 1h15. En salles le 10 novembre

 

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