Cannes 2021 : FLAG DAY / Critique

11-07-2021 - 09:00 - Par

Cannes 2021 : FLAG DAY / Critique

De Sean Penn. Sélection officielle, Compétition.

 

Synopsis : Des années 1960 aux années 1990, la relation tumultueuse de Jennifer Vogel, enfant, ado puis jeune femme, avec son père John Vogel, petit malfrat mi-raté mi-génial.

Au centre de la bande originale de FLAG DAY trône le tube country pop « Night Moves » de Bob Seger, pur morceau d’Americana où l’on exalte les champs de maïs, les 60’s Chevy et les nuits de tonnerre. Un pur morceau de nostalgie aussi, contant les souvenirs d’un premier amour d’été. Sentimental, fantasmatique comme peut l’être ce que l’on imagine de l’Amérique quand on ne la connaît qu’à travers sa culture pop, ample comme ses décors naturels de western. Et simple, pourtant. Qui coule avec l’évidence que seuls ont les tubes qu’on croit avoir connus toute notre vie. Il y a un peu de tout ça dans FLAG DAY et tout ce que cela entraîne en maladresses. Mais en tendresse, aussi. Lorsque le film débute, avec ses images de thrillers dans les badlands, sa voix off et ses ralentis cramés sur des souvenirs d’enfance dans les champs de blé, la crainte est grande de voir Sean Penn s’égarer à nouveau et livrer son LAST FACE sur les relations père/fille. Puis le récit se pose enfin et survient une scène splendide, la première que Penn partage avec sa fille Dylan, dans un diner décrépit, un bouge de ces patelins du Midwest, que les deux irradient subitement de leur alchimie totale et communicative – Dylan s’affirmant excellente comédienne, d’une assurance très touchante. Tout à coup, FLAG DAY s’incarne. Simple, évident. Là réside peut-être, résumé en quelques dialogues et un bête champ/contre-champ, toute la beauté limpide du cinéma américain, sa capacité à réifier des sentiments universels, à résonner en nous un peu plus que les autres. Bientôt, FLAG DAY s’envole, mais prudemment. Il ne cherche pas les sommets, même s’il nous y mène parfois, notamment avec sa bouleversante conclusion. Il embrasse une efficacité classique et des élans de vrai mélo, se concentre sur ses beaux personnages, pétris de défauts et débordants d’amour. Penn les filme – il se filme même pour la première fois, acteur parfait de son propre cinéma – en un beau 16mm granuleux et lumineux, en gros plans, héros claudicants d’une Amérique des patelins agonisants, prenant le rêve américain au mot sans vraiment y croire vraiment. Il y a dans ce FLAG DAY les échos mélancoliques d’INDIAN RUNNER, les idéaux illusoires d’INTO THE WILD, les sentiments contraires de CROSSING GUARD. Et « Night Moves » qui résonne, le cœur chamallow en bandoulière. Peut-être que Sean Penn, après le dérapage THE LAST FACE, ressentait-il lui-même une certaine nostalgie, l’envie de revenir au cinéma qu’il sait faire les yeux fermés, à des lieux qui semblent avoir peuplé toute sa carrière depuis LES MOISSONS DU PRINTEMPS ou COMME UN CHIEN ENRAGÉ. De ce qu’il dit de lui-même, de son ego, de ses erreurs, de sa nature d’ours parfois exagérément contrit, émerge une certaine humilité, mais aussi presque un clin d’œil à ceux qui l’aiment, à ceux qu’il a déçus, à ceux qui le croyaient fini. Un beau geste, touchant et élégant, de cinéaste et d’acteur.

De Sean Penn. Avec Dylan Penn, Sean Penn. États-Unis. 1h48. En salles le 29 septembre

 

 

FLAG DAY

FLAG DAY

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.