Cannes 2021 : MARIN DES MONTAGNES / Critique

11-07-2021 - 22:22 - Par

Cannes 2021 : MARIN DES MONTAGNES / Critique

De Karim Aïnouz. Sélection officielle, Séance spéciale.

 

Karim Aïnouz se raconte dans MARIN DES MONTAGNES. Ou plutôt il se questionne sur ce qu’il est, son métissage, et sur ce qu’étaient ses parents. Fruit des amours d’une Brésilienne de Fortaleza et d’un Algérien de Kabylie, il a grandi auprès d’elle, loin de ce père qu’il n’a rencontré qu’à l’âge de 18 ans. MARIN DES MONTAGNES, c’est un premier voyage en Algérie, d’Alger jusqu’en Kabylie, pour que le cinéaste essaye de (re)construire toute cette partie de son être, de ses origines, qu’il avait jusqu’alors ignorée. Un pont entre la mer, en référence aux algues rouges que sa mère ingénieure étudiait, et les montagnes d’où son père venait. Mais MARIN DES MONTAGNES, c’est aussi un portrait de l’Algérie, par le prisme de celui qui la découvre mais qui en connaît et en partage les luttes, lui le fils de deux révoltés, séparés par le combat. Sans cesse, Karim Aïnouz mêle le personnel et le politique, le fond et la forme. Presque expérimental, comme les premiers travaux du réalisateur, ce documentaire est sans cesse fragmenté, décadré, mettant en parallèle les images, faussement amatrices mais vraiment spontanées, du « film de vacances » à Alger, les pellicules familiales de Fortaleza et les archives historiques, comme pour les unir dans une seule et même histoire, la sienne. Elles s’entrechoquent, s’interrompent et se répondent dans une mosaïque d’idées et d’émotions, comme un puzzle des souvenirs et de la mémoire qu’il essaye de recomposer. Ainsi que son identité, à l’instar de ce pays qu’il découvre. Et plus Karim Aïnouz avance vers la Kabylie, plus il se rapproche de son histoire familiale, plus il se met à rêver de ce que furent ses parents, de ce qu’aurait été sa vie si l’inverse s’était passé et que l’Algérie l’avait vu grandir… Il digresse, dans le verbe et dans la forme, jouant de manière très contemporaine avec sa narration au fil de la pensée. Ou plutôt au fil des mots car MARIN DES MONTAGNES est une lettre. Une lettre posthume envoyée à sa mère à qui il s’adresse tout au long du documentaire. Sans que l’on sache bien s’il s’agit réellement de son prénom ou s’il la confond avec la figure symbolique du XIXe siècle qui raconte le métissage du Brésil, celle qu’il appelle Iracema l’accompagne dans son voyage et devient le déversoir de ses questions sans réponses, de ses réflexions émues et de ses constats prosaïques. Avec MARIN DES MONTAGNES, Karim Aïnouz continue un travail de conjugaison de l’auto-ethnographie, de la poésie de l’épistolaire et de la puissance évocatrice des images et des lumières. Le même qu’il avait entamé dès ses débuts avec SEAMS, portrait documentaire de sa grand-mère, et prolongé par la fiction avec le splendide LA VIE INVISIBLE D’EURIDICE GUSMAO, en hommage à sa mère. On pourrait dire de MARIN DES MONTAGNES qu’il est un film-somme, mais il est plutôt un solde de tout compte du passé pour mieux avancer vers un futur qui reste à inventer. Pourvu que cet avenir ait ne serait-ce que le quart de la beauté des œuvres de Karim Aïnouz.

De Karim Aïnouz. Documentaire. 1h38. Prochainement

 

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