Cannes 2021 : COMPARTIMENT N°6 / Critique

De Juho Kuosmanen. Sélection officielle, Compétition.

 

Synopsis officiel : Une jeune finlandaise prend un train à Moscou pour se rendre sur un site archéologique en mer arctique. Elle est contrainte de partager son compartiment avec un inconnu. Cette cohabitation et d’improbables rencontres vont peu à peu rapprocher ces deux êtres que tout oppose.

Seulement deux films mais déjà une tendance : le Finlandais Juho Kuosmanen fait du cinéma romantique comme il respire. Pas des romcoms, même si on rit souvent. Pas des bluettes, bien que ses histoires soient à cœur ouvert. Dans OLLI MAKI, récipiendaire du prix mérité Un Certain Regard en 2016, il offrait des airs de vieux scopitone au coup de foudre d’un boxeur retors pour une jeune femme alors qu’il allait disputer le match le plus important de sa vie ; ici, autre film d’époque, alors qu’une étudiante finlandaise passionnée d’archéologie, installée avec sa petite copine à Moscou, rencontre un ouvrier russe dans le train qui l’amène plus au Nord, dans le cercle arctique, pour observer des pétroglyphes. Le temps du voyage, dans ce wagon couchette mais aussi pendant les escales dans des villes enneigées et reculées, elle et lui vont en pincer l’un pour l’autre. Si à Moscou, Laura fréquentait, intimidée, les milieux snobs et littéraires, la voilà face à Ljoha, ce type un peu alcoolo et un peu crado, qui la regarde comme une fille bien et sophistiquée. Elle va trouver sa place, intellectuelle et sentimentale, pendant ce long trajet. Peut-être même apprendre que le passé n’est jamais vraiment mieux que le présent. Ensemble, ils vont vivre en accéléré une petite vie de couple, se découvrir et se blesser, bien s’habiller pour aller au wagon bar et s’aider en cas de besoin. Ils ne sont pas exactement les Celine et Jesse de Richard Linklater dans BEFORE SUNRISE. Mais ils en sont une version mal dégrossie, plus spontanée, plus maladroite, plus enfantine. Le pacte qu’ils scellent ensemble est toutefois aussi ardent. Avec ses deux personnages, Juho Kuosmanen raconte juste l’amour, à travers les conflits de classe, les chocs culturels et les influences américaines et libérales sur une jeunesse biberonnée au communisme. L’amour comme une contre-culture.

Résolument pop – le film démarre sur « Love is the drug » de Roxy Music, met « Voyage Voyage » à fond les ballons et embraille sur une série de chansons russes –, COMPARTIMENT N°6 est d’un romantisme échevelé. Avec ses blousons en cuir XXL et sa sacoche secrète, Ljoha est un bad boy dont on tombe rapidement dingue des regards de feu et de la générosité – Yuriy Borisov, son interprète, déroule un jeu animal. Avec sa grosse parka et ses cheveux en bataille, Laura est une jeune femme inconsciente de son charme et prête à l’aventure – Seidi Haarla est une découverte à la beauté discrète et fracassante. Ce COMPARTIMENT N°6 est un drôle d’endroit pour une rencontre, mais des lieux exigus, à la promiscuité forcée, le film de Kuosmanen est sexy en diable. Par son portrait d’une jeunesse à fleur de peau, par sa passion, par ce qu’il rend d’élégance aux prolos, il est aussi d’une très grande classe et d’un charme conquérant. Comme Laura découvre avec envie ce pays d’adoption, on se sent dans ce COMPARTIMENT N°6 comme chez nous, conquis par l’invitation bienveillante d’un cinéaste en état de grâce.

De Juho Kuosmanen. Avec Seidi Haarla, Yuriy Borisov, Dinara Drukarova. Finlande / Russie. 1h47. Prochainement