Cannes 2021 : ARE YOU LONESOME TONIGHT ? / Critique

12-07-2021 - 14:30 - Par

Cannes 2021 : ARE YOU LONESOME TONIGHT ? / Critique

De Wen Shipei. Sélection officielle, Séance spéciale.

 

Un soir, un homme en renverse un autre avec sa camionnette. Si, sur le coup, il décide de s’enfuir, la culpabilité ne va pas tarder à le ronger. Il prend alors contact avec la veuve de sa victime… Avec ses récits entrecroisés, son opposition ultra violente entre deux hommes pour un mystérieux sac rempli de billets et son esthétique opératique, ARE YOU LONESOME TONIGHT ? de Wen Shipei s’avançait en une sorte de mix entre J’AI RENCONTRÉ LE DIABLE de Kim Jee-woon et le cinéma sensuel, moite et en suspens de Wong Kar-wai. La fusion entre le néo-polar coréen avide de sang, de cri et de fureur, et la contemplation des sentiments, plus portée sur les interrogations sentimentales et existentielles. Wen Shipei et ses deux chefs opérateurs fournissent un remarquable travail esthétique, qu’il s’agisse de la lumière, extrêmement travaillée, allant chercher dans la saturation l’expression d’émotions exacerbées, ou qu’il s’agisse de la pure mise en scène, capable de trouver de belles respirations dans l’inertie ou des saillies percutantes d’exaltation dans la violence. Tout en faux rythme – accélérations et décélérations du récit assez artificielles –, au point de perdre parfois l’attention et l’intérêt du spectateur, ARE YOU LONESOME TONIGHT ? se révèle aussi beaucoup plus problématique dans son écriture et son montage. La première partie, de loin la plus intéressante et la plus aboutie, voit le protagoniste sombrer dans la culpabilité, l’errance sans fin dans des rues interlopes – au point de s’adonner à des bastons aléatoires contre des gangs. Cet acte construit des sentiments diffus ou ambigus et dresse le portrait de son anti-héros de manière parcellaire, en organisant la collision du présent et du passé, des émotions et des souvenirs. Et c’est dans ce dispositif que ARE YOU LONESOME TONIGHT ? perd pied. L’éclatement de la narration n’aboutit à rien de particulièrement intéressant, elle ne nourrit pas de véritables surprises narratives – tout est assez balisé – ni de tension palpable. Les multiples points de vue sur l’histoire n’en sont même pas réellement bousculés. Wen Shipei semble parfois vouloir dérouter son public, pour le laisser sans doute se fier à ses sens, mais son récit et son montage ne créent aucun réel trouble. Reste évidemment la sidération engendrée par la beauté incandescente de certains plans et par le visage fermé et sacrificiel d’Eddie Peng. Rien qui ne suffise toutefois à s’attacher particulièrement au parcours de son personnage ou aux intentions du cinéaste.

De Wen Shipei. Avec Eddie Peng, Sylvia Chang, Yanhui Wang. Chine. 1h34. Prochainement

 

 

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