Cannes 2021 : BLUE BAYOU / Critique

14-07-2021 - 18:25 - Par

Cannes 2021 : BLUE BAYOU / Critique

De Justin Chon. Sélection officielle, Un Certain Regard.

 

Né en Corée du sud, Antonio Leblanc (Justin Chon) a été adopté à trois ans par des Américains. Aujourd’hui, alors qu’il a fondé sa propre famille, il est menacé d’expulsion par une loi qui frappe aveuglément les enfants adoptés dont les papiers, à cause d’un vide juridique, ne sont plus en règle. Cet homme qui n’a connu que l’Amérique va devoir se battre contre un système qui veut le renvoyer « chez lui ». Justin Chon, l’un des rares réalisateurs d’origine asiatique travaillant dans l’industrie américaine, raconte des histoires de minorités et c’est son moyen de peindre son grand portrait de l’Amérique – son précédent film GOOK revenait sur la communauté coréenne de Los Angeles pendant les émeutes de 1992. Dans BLUE BAYOU, l’Amérique, c’est cette Louisiane, dont le climat et parfois la flore ont des airs d’Asie (d’Asie du Sud-est, surtout), un état multiculturel. Antonio Leblanc, avec son prénom hispanique, son nom de famille à consonance française, ses origines coréennes et son identité profondément américaine, est le symbole d’un pays fondé par les mêmes migrations dont il ne veut plus aujourd’hui. Un passé de voleur de motos et un métier de tatoueur freelance achèvent son statut marginal. Mais Antonio s’est créé un foyer : une femme (Alicia Vikander) et sa fille d’un précédent mariage, un bébé en route. À l’aune de son expulsion éventuelle et alors qu’il rencontre Parker, une femme vietnamienne en fin de vie, il remonte le chemin de ses souvenirs et se demande pourquoi il n’est désiré nulle part. Mélodrame identitaire, très sincère dans ses intentions mais peinant parfois à maîtriser ses émotions – rien de grave si on fait abstraction de deux ou trois excès de violons –, BLUE BAYOU emprunte à Cassavetes un cinéma vérité, une passion qui ronge les personnages. On y voit aussi du Wong Kar-wai (les couleurs denses, le low frame rate), du Hou Hsiao Hsien – le 16mm aidant beaucoup à retrouver l’authenticité, la rudesse et les images éprises de liberté du cinéaste taïwanais. Il y a dans BLUE BAYOU des choix esthétiques de premier film – c’est pourtant son troisième –, de belles combinaisons de travelling et de zoom, des cavalcades de la caméra qui laissent exsangues. Dans ce sud plombé de soleil ou étouffé d’humidité, les enjeux sont chauffés à blanc. Lorsque Antonio doit revenir à ses premiers vices pour tenter de survivre, ce voyou romantique devient le héros d’une fuite en avant suicidaire, un rebelle et sa juste cause contre un système raciste et des flics tout-puissants. Portrait particulièrement noir de la condition asiatique aux États-Unis et rappel des atrocités qu’ont vécu certains Asiatiques pour trouver le repos en Amérique, BLUE BAYOU trouve un certain apaisement dans la communauté, dépeignant une diaspora vietnamienne résiliente et accueillante. S’il se conclut dans de gros sanglots, c’est que le déchirement typiquement américain mérite bien ça.

De Justin Chon. Avec Justin Chon, Alicia Vikander, Mark O’Brien. États-Unis. 1h59. Sortie le 15 septembre

 

 

BLUE BAYOU (2021)

BLUE BAYOU (2021)

 

 

 

 

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