Cannes 2021 : LES OLYMPIADES / Critique

15-07-2021 - 13:05 - Par

Cannes 2021 : LES OLYMPIADES / Critique

De Jacques Audiard. Sélection officielle, Compétition.

 

Synopsis officiel : Paris 13e, quartier des Olympiades. Emilie rencontre Camille qui est attiré par Nora qui elle-même croise le chemin de Amber. Trois filles et un garçon. Ils sont amis, parfois amants, souvent les deux.

 

Après l’Amérique et le western des FRÈRES SISTERS, Jacques Audiard s’essaie au « so french movie ». Pas sûr que ça lui aille si bien…

Pour le petit monde des cinéphiles du monde entier, Jacques Audiard est un peu notre mascotte nationale. Un auteur, un vrai, qui depuis au moins SUR MES LÈVRES et surtout UN PROPHÈTE est devenu un nom à l’international, l’incarnation d’un renouveau du cinéma français tourné vers le genre. Soit l’après génération 90 – celle de Desplechin, Pascale Ferran, Olivier Assayas –, ce cinéma d’auteur tourné sur son ego et ses atermoiements romanesques.

Avec LES OLYMPIADES, c’est comme si Audiard s’essayait à ce genre-là. Tentait étrangement de revenir en arrière, de faire le premier film qu’il aurait pu faire à l’époque pour appartenir au groupe. Aidé de Céline Sciamma et Léa Mysius au scénario, le réalisateur se frotte donc à une chronique de l’ultra moderne solitude contemporaine en transposant dans un quartier du 13eme arrondissement parisien les nouvelles graphiques d’Adrian Tomine. Entre « La Ronde » de Schnitzler et le marivaudage contemporain, le film articule les destinées sentimentales d’un garçon et de trois filles (tous excellents, le grand point fort du film), tous égarés entre l’amour, le désir, le sexe et leur identité. Sculpté en noir et blanc, porté par les nappes électro lancinantes de la musique de Rone, le film est indéniablement élégant. Mais quelque chose ne prend jamais vraiment. Le scénario, avec ce sens du dialogue anodin cher à Céline Sciamma, vise à une exploration romanesque du quotidien. On voit bien l’enjeu, la façon dont le désir devient le cœur des identités ici (coloc ou amant ? cam girl ou amante ? Collègue ou amoureuse ?). Mais ce programme alléchant, très cérébral, bute ici contre la mise en scène d’Audiard toujours à la surface des peaux mais jamais dans les cœurs. Audiard filme des corps tandis que Sciamma et Mysius, elles, racontent des âmes.

Le scénario et les dialogues, alors désincarnés, se délitent et laissent place à une mécanique très élégante certes mais très banale. Audiard clippe son histoire, multiplie les petits effets qu’il doit supposer être très contemporains (split screen, écrans de skype, strombo de soirées) et qui ne font que renvoyer le film à la distance d’avec son sujet. Des Olympiades, de ce quartier singulier, Audiard ne fait rien – à peine quelques plans esthétiques sur des tours et des restaurants. De la complexité des rapports amoureux ne restent que des élans verbeux et des corps à corps. Du prosaïsme sans la force de la crudité. Juste la banalité. Le romanesque espéré s’est dissout dans une succession de pose poétique, faites d’ellipses comme un cache-misère esthétique. Ça devrait être troublant et érotique. Ce n’est finalement qu’à peine pas désagréable. Pas assez léger pour être joyeusement contagieux, pas assez profond pour être bouleversant. La preuve peut-être que le charme du cinéma d’auteur égotique tient peut-être aussi et surtout à la sincérité totale du projet. En l’état, Audiard s’essaie à un costume qui ne lui va pas. Et on en voit toutes les coutures.

De Jacques Audiard. Avec Lucie Zhang, Makita Samba, Noémie Merlant. France. 1h45. En salles le 3 novembre

 

 

Olympiades1

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