Cannes 2021 : UNE HISTOIRE D’AMOUR ET DE DÉSIR / Critique

15-07-2021 - 20:44 - Par

Cannes 2021 : UNE HISTOIRE D’AMOUR ET DE DÉSIR / Critique

De Leyla Bouzid. Semaine de la Critique, Clôture.

 

Ça ne peut être que la grâce qui a touché Leyla Bouzid quand elle a eu l’idée d’UNE HISTOIRE D’AMOUR ET DE DÉSIR. Il n’y a pas d’autres raisons pour expliquer le fragile et parfait équilibre qu’elle arrive à atteindre, la simplicité et l’immense richesse de cette éducation amoureuse d’un jeune garçon timide. Quand Ahmed croise le regard de Farah sur les bancs de la Sorbonne, le choc est total. Dans l’instant, elle devient son univers, son fantasme, son obsession, la source de ses pensées, comme le fut Leïla pour Majnoun, les héros d’une célèbre histoire d’amour bédouine transposée à l’écrit au XIIe siècle. Un monument de la littérature persane que Ahmed et Farah étudient en classe, et qui semble les étudier en retour. Farah, au fond, on la connait déjà, elle était (pourrait être) l’héroïne du premier film de Leyla Bouzid, À PEINE J’OUVRE LES YEUX. Une jeune femme tunisienne, au regard doux mais aiguisé, consumée d’une énergie rebelle, grande ouverte sur le monde, avatar à peine caché de la cinéaste elle-même. Qui cherche ici à décaler son regard puisque le film se place du côté d’Ahmed, ce Majnoun, ce poète fou, cet amoureux timide aux grands principes mais aux actes limités, n’arrivant pas encore à conjuguer pulsion du cœur et pulsion du corps. Tout dans la mise en scène de la cinéaste suinte cette dichotomie, la sensualité et la retenue, dans un grand effort d’union des opposés qui donne toute sa profondeur à UNE HISTOIRE D’AMOUR ET DE DÉSIR.

Car ce deuxième film est aussi l’histoire d’une réconciliation. Ou plutôt, de réconciliations, qui trouvent toutes leur dénominateur commun en Ahmed, jeune étudiant français d’origine algérienne. Ce parcours amoureux qu’il traverse, c’est aussi un chemin vers lui, vers une paix intérieure pour faire éteindre les feux qui lui divisent l’âme et le paralysent. En lui, Orient et Occident, cœur et corps, arabe de France et arabe du Maghreb, banlieue et beaux quartiers parisiens, savoir et tradition, masculin et féminin, bon et moral : tout s’oppose. La rencontre avec Farah fait alors exploser ses carcans et permet une remise en question douloureuse de son être coupé en deux et, surtout, une libération. À travers lui, Leyla Bouzid prône une écoute, un partage, une oreille et un cœur tendu à l’autre, sans jugement, qui met à terre les préjugés. À lui tout seul, Ahmed, joué par un beau et sensible Sami Outalbali, permet la concorde et nous emporte dans une rom-com qui ne dit jamais son nom mais qui fait battre nos cœurs de la même façon. Récit initiatique sur la carte du tendre, UNE HISTOIRE D’AMOUR ET DE DÉSIR est un poème intemporel qui a tout compris des enjeux contemporains.

De Leyla Bouzid. Avec Sami Outalbali, Zbeida Belhajamor, Diong-Keba Tacu. France. 1h42. En salles le 1erseptembre

 

 

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