THE CHEF : chronique

21-01-2022 - 13:59 - Par

THE CHEF : chronique

Un thriller intime et réaliste qui, par la voie du plan-séquence, retranscrit l’urgence du coup de feu dans les cuisines d’un restaurant à la mode.

 

Pour son deuxième long-métrage, Philip Barantini choisit un procédé parfois décrié, jugé artificiel ou m’as-tu vu : déployer tout son récit en un seul plan-séquence de 94 minutes – sans coupes numériques. D’aucuns seraient tentés d’analyser ce que THE CHEF aurait pu, voire dû, être s’il avait été raconté traditionnellement, par le montage – et tout ce que ça implique de mensonges et d’ellipses. Sauf que, comme le dit un personnage du film, « une critique, c’est comme le sexe. On se base sur ce qu’on a, pas sur ce qu’on n’a pas. » Et sur la foi de ce qu’on a, THE CHEF prouve sa folle énergie, sa maîtrise technique et narrative et l’utilité du procédé. Le vendredi qui précède Noël, soirée généralement très fréquentée dans les restaurants londoniens. Andy Jones (Stephen Graham), chef et propriétaire d’un bistro gastronomique couru, rejoint ses équipes. Réunions d’avant service, ouverture, tensions et coup de feu : THE CHEF suit en temps réel cette soirée durant laquelle Andy se retrouve brutalement confronté aux exigences et aux vicissitudes de son métier… Après un court début dans la rue, THE CHEF rentre vite dans les lieux et capte très rapidement l’ambiance en salle et en cuisine. Portée par le chef opérateur Matthew Lewis, qui effectue un travail de cadrage remarquable, une sorte de virtuosité-vérité, la caméra offre une multitude de choses à regarder – à commencer par les gestes effectués par les cuisiniers ou les serveurs. Elle replace chacun à sa place dans cet écosystème aux règles strictes, à la hiérarchie claire, au point de finir par en faire elle-même partie, personnage à part, incarnation sur les lieux de notre propre regard de spectateur. Surtout que dans des conditions difficiles – la caméra passe sans cesse de la lumière crue de l’arrière-cuisine à la luminance tamisée de la salle –, l’image reste attirante avec son joli grain, sa texture organique et son atmosphère de cocon. Une maestria technique au service du récit – Matthew Lewis va jusqu’à capter un dialogue important à la volée d’une table ! –, d’autant que Barantini fait du plan-séquence un moteur à storytelling, et laisse des petits instants vrais, signifiants ou émouvants, émerger – là où un récit classique les aurait sans doute coupés au montage. De pièce en pièce, chaque personnage a son moment, et cette agrégation d’histoires humaines, désagréables ou joyeuses, facilite la mise sous tension, l’émergence d’un sentiment d’inéluctabilité à la fois oppressant et poignant. Que l’immense Stephen Graham soit à la barre ne fait qu’ajouter à l’immédiate puissance et à la réussite de l’entreprise. 

De Philip Barantini. Avec Stephen Graham, Vinette Robinson. Royaume-Uni. 1h34. En salles le 19 janvier

4Etoiles

 

 

 

 

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