THE SOUVENIR PART I & PART II : chronique

01-02-2022 - 17:06 - Par

THE SOUVENIR PART I & PART II : chronique

Diptyque élégant sur la liesse et le deuil d’une première histoire, THE SOUVENIR révèle surtout une actrice : Honor Swinton Byrne.

 

Deux films qui n’en font qu’un, deux films comme deux temps d’une même histoire, deux films comme des montagnes russes sentimentales, filmées avec la douceur et l’étrangeté d’un passé déjà lointain. Récit autobiographique de ses années à l’école de cinéma et de la rencontre passionnelle et tragique de la réalisatrice avec son premier grand amour, THE SOUVENIR retourne la caméra contre Joanna Hogg. Dans un jeu de miroir, elle filme celle qu’elle était hier, part à la recherche de ce moment pivot de son histoire personnelle et tente de provoquer par la fiction les fantômes de son passé. D’abord plutôt chronique – le quotidien d’une jeune femme dans un milieu intellectuel anglais dans les années 1980 –, le film se mue petit à petit en délicat mélodrame de chambre. Julie, empêtrée dans ses désirs créatifs et le poids de la bourgeoisie parentale (Tilda Swinton, en mère inquiète), rencontre Anthony, homme libre et frondeur (Tom Burke). Elle est tout de suite aimantée à lui. Joanna Hogg saisit avec précision, par touches très minimalistes, la façon dont l’héroïne va succomber éperdument à cet homme. Pourtant, un peu à la manière dont Proust racontait ses mémoires avec le pressentiment du futur, la caméra ne cesse de marquer la tension, le doute. Elle qui s’aveugle, nous qui commençons à voir bien trop nettement ce que cache cet homme. On assiste impuissant à un rapt d’elle-même, une dissolution totale de cette jeune femme jusqu’à la conclusion brutale du premier volet. S’ouvre alors, dans un geste de cinéma singulier, un deuxième film qui plutôt qu’un véritable épilogue, devient comme une méditation cinématographique sur le deuil, les erreurs que l’on fait, ce que l’on n’a pas vu ni voulu voir et comment tout ceci produit mystérieusement une force de vie. Dans cette deuxième partie, le film, qui convoquait les fantômes, les chasse dorénavant. Julie fabrique un film et puise son énergie dans sa douleur. Zigzaguant entre les films dans les films, les souvenirs et les fantasmes, ce deuxième volet éclaire alors étrangement le premier. Il contient toute la rage, tout le sursaut émotionnel qu’on y attendait. L’expérience de ces deux films (vu l’un à la suite de l’autre, ou non) est singulière. Comme une thérapie par le cinéma, la déflagration d’une histoire intime au ralenti. Mais surtout, elle tient par le charisme et la douceur d’Honor Swinton Byrne, actrice singulière dont les fractures, les sourires et les doutes deviennent de beaux moments de cinéma. Joanna Hogg la regarde moins comme un double que comme une version romanesque d’elle-même, une façon de trouver enfin du sens à cette douleur à l’intérieur. La vie imite les films. Il serait temps que les films maintenant imitent la vie.

De Joanna Hogg. Avec Honor Swinton Byrne, Tom Burke, Tilda Swinton. Grande-Bretagne. 2h / 1h47. En salles le 2 février

4Etoiles

 

 

 

 

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