GOLIATH : chronique

09-03-2022 - 14:40 - Par

GOLIATH : chronique

Aux confluents du cinéma français engagé d’antan, du thriller américain de lanceur d’alerte et… de Peter Berg, GOLIATH est une réussite.

 

Peut-être parce qu’il avait oublié son prestigieux passé, quand Yves Boisset ou Costa-Gavras ruaient dans les brancards des injustices et des malversations, le cinéma français « grand public » semblait croire, depuis trop longtemps, qu’être politique ou engagé s’apparentait à un gros mot. Et si le réveil, c’était maintenant, à la faveur d’une époque particulièrement trouble, animée par les divisions et les résurgences des pires sentiments de repli ? Après BOÎTE NOIRE, qui explorait avec une grande efficacité, mais sur un mode entièrement fictionnel les messes basses du CAC 40, GOLIATH, lui, fonce tête baissée dans le mur de la France actuelle. Les faits sont réels. Les personnages fictifs. Mais « toute ressemblance ne serait ni fortuite ni involontaire », assure un carton introductif. Lorsqu’une agricultrice s’immole par le feu au bas de l’Esplanade de La Défense, au pied de la tour d’un géant du phytosanitaire, tout un monde s’agite : d’un côté, un avocat bien décidé à faire condamner une entreprise et ses produits cancérogènes ; de l’autre, une armada de lobbyistes voués à minimiser les faits. Si GOLIATH s’empare d’un sujet contemporain et de son corollaire de questionnements moraux, sociétaux et politiques, sa grande vertu reste dans son intention première, et évidente, de faire du cinéma. Dans cette mosaïque de personnages présentés dans un premier acte rigoureux puis développés avec envie, il y a du Peter Berg, notamment celui de TRAQUE À BOSTON : un impressionnisme en forme de portrait – même si parcellaire – de la France, et plus largement, le même talent pour caractériser des personnages à travers leur métier et ainsi, par leur rôle dans la société. On ne s’étonne donc pas que la musique originale flirte avec les cascades de guitares d’Explosions In The Sky, compositeurs réguliers du cinéaste américain. Autant dire qu’efficace, GOLIATH l’est totalement. Entre une réunion de lobbyistes où éclatent autant leur habileté que leur cynisme, un débat entre victimes en quête de dédommagement dont émergent les traumas qui nourrissent l’indignation du film ou une plaidoirie mise en image dans un dénuement de décorum qui raconte beaucoup, GOLIATH scrute une multitude de points de vue, dont il tire sa richesse. Peut-être l’interprétation déborde-t-elle parfois… Mais au bout du compte, le film ne trébuche pas car il a aussi l’intelligence, très « à l’américaine », de se servir des codes et des images du thriller de lanceur d’alerte comme solides appuis de sa démonstration. Qui n’en est alors que plus percutante. 

De Frédéric Tellier. Avec Gilles Lellouche, Pierre Niney, Emmanuelle Bercot. France. 2h02. En salles le 9 mars

4Etoiles

 

 

 

 

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