MEDUSA : chronique

16-03-2022 - 09:30 - Par

MEDUSA : chronique

MATE ME POR FAVOR l’avait révélée en 2017. MEDUSA consacre la réalisatrice Anita Rocha Da Silveira reine brésilienne du cinéma de genre. Epoustouflant.

 

Au son de synthé, c’est d’abord le visage d’une fille, éclairée de rouge et de vert, que l’on distingue puis, dans un zoom arrière, la pilosité fournie de son aisselle. Elle est couchée sur le dos, se redresse sur les bras, puis se met à onduler le bassin dans une rotation érotique et brutale. Dans un autre temps, cette fille aux cheveux longs et noirs, arachnide contorsionnée, serait brûlée pour sorcellerie ou exorcisée sans sommation. Dézoomant davantage, la caméra révèle l’écran qui diffuse l’image, scruté avec fascination par une lycéenne, dans un bus, la nuit. Quelques secondes plus tard, cette dernière sera lynchée par huit vigilantes ultraviolentes cachées derrière un masque. Sous les lumières roses des réverbères, elle est accusée d’être une pécheresse et elle va être punie. « Promets-tu d’accepter Jésus dans ton cœur et de devenir une femme dévouée prude et soumise au Seigneur ? » l’interrogent-elles en la filmant, les bras savamment posés sur leurs hanches, le sac Vuitton en bandoulière, le jean taille basse parfaitement ajusté. Et les voilà reparties, galvanisées par le succès de leur mission divine, sur « Cities in Dust » de Siouxsie and the Banshees. En six minutes, Anita Rocha da Silveira a tout installé : du cinoche plein l’écran, des néons, des corps qui bougent, une bande son sensuelle et surtout la promesse que son féminisme sera sexy, provocant, dérangeant et politique. C’est qu’elle en a des choses à dire sur les jeunes filles brésiliennes d’aujourd’hui. Pour son premier long-métrage, MATE ME POR FAVOR, mix dément de slasher et de teen movie, inspiré par le suicide d’une amie, Anita Rocha da Silveira disait : « Être jeune, c’est vouloir mourir sans arrêter de vivre ». Elle avait déjà tout compris du paradoxe de la jeunesse, plus particulièrement celle de son pays. Dans MEDUSA, nos filles toutes dévouées à la virginité et aux messages de dieu, dont elles suivent avec gourmandise et dévotion tous les préceptes, veulent redresser la morale des filles de ce pays. Leur soumission en fait de futures bonnes épouses, toutes promises à un membre d’une milice viriliste. L’imagerie fasciste et l’iconographie juvénile et girly remplissent l’écran à tour de rôle. Nos jeunes filles, avec leurs hommes toxiques, leurs certitudes, leurs tips beauté et leur chaîne YouTube, ont tout calculé. Quand Mariana, défiée par le groupe, part à la recherche d’une actrice défigurée à l’acide, une sorte de légende urbaine, un épouvantail pour ce pays gavé à la perfection esthétique, sa vie parfaite se fendille en surface. Elle, et ses copines, vont finalement exploser le carcan dans lequel le Brésil, pays coincé entre les réactionnaires et sa légendaire liberté, les enferme. Avec le minimalisme érotique d’un Nicolas Winding Refn, les élans synthétiques du cinéma d’horreur des années 80 et tout l’arsenal du langage visuel contemporain, Anita Rocha da Silveira raconte le choc d’une prise de conscience et la violence d’une révolution féministe dans une société au patriarcat débilitant et à la religion culturelle. Armée d’un sens indéniable des images pop, de références (Carpenter, Franju, Clouzot etc.) dont elle s’affranchit pour faire au final un cinéma qui ne ressemble qu’à elle, la Brésilienne est la grande réalisatrice qu’on rêvait de voir émerger des révolutions culturelles actuelles. 

D’Anita Rocha da Silveira. Avec Mari Oliveira, Lara Tremouroux, Bruna Linzmeyer. Brésil. 2h07. En salles le 16 mars

5EtoilesRouges

 

 

 

 

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