AMBULANCE : chronique

22-03-2022 - 19:08 - Par

AMBULANCE : chronique

Toute la démesure de Michael Bay dans un film d’action spectaculaire, conjugué au réalisme de 13 HOURS.

 

C’est encore une fois l’intérêt que Michael Bay porte aux soldats qui déclenche le récit de son nouveau film AMBULANCE. Dans ROCK, des Marines menaçaient la baie de San Francisco avec des armes chimiques s’ils n’obtenaient pas réparation pour leurs sacrifices ; dans 13 HOURS, cinq contractants chargés de protéger une délégation américaine rejouaient Alamo en Libye, complètement lâchés par le cabinet de Hillary Clinton. Ici, Will (Yahya Abdul-Mateen II), ancien combattant au Moyen-Orient, se bat avec l’administration pour tenter de faire opérer sa femme gravement malade. Le cinéma de Michael Bay n’a de politique que ce patriotisme à géométrie variable : rangé derrière son pays s’il est attaqué par des forces extérieures, rangé derrière le peuple dès lors qu’il souffre de l’ingratitude des puissants. Will, vétéran désespéré, se tourne vers la criminalité. Plus précisément son frère de lait, Danny (Jake Gyllenhaal), qui lui propose un braquage de banque à plusieurs dizaines de millions de dollars. À contrecœur, Will rejoint la bande de malfrats et l’affaire finit dans une ambulance lancée à toute allure sur les routes de Los Angeles, un flic à l’agonie sur la civière et une ambulancière en otage, l’entièreté des forces du LAPD au train.

AMBULANCE serait comme la parfaite synthèse des délires motorisés de la première séquence de SIX UNDERGOUND et du réalisme de 13 HOURS, ce dernier ayant transformé en profondeur le style Bay et canalisé ses exultations cartoon en un faisceau d’énergie ultra-précis. Déjà, fini les pitchs hurluberlus, héritiers des évasions d’Alcatraz et autres missions sauvetage dans l’espace typiques des années 90/2000 – aujourd’hui réfugiés dans la filmographie de Roland Emmerich. Des multiples carambolages et autres carnages de tôle, des fusillades du SWAT aux corps à corps musclés, se dégage la jouissance évidente du cinéma organique, du métal des rails de travelling, de la caméra sur drone, du grand angle, de la longue focale, du cascadeur, des vrais hélicos et de la vraie course poursuite. La quête jubilatoire du point de vue parfait pour capter le chaos. Le seul et unique but : offrir au spectateur sa place au premier rang, que la caméra enregistre et réagisse au plus près de ce que ferait le cerveau humain. La pyrotechnie, elle, est toujours idiosyncrasique : chaque collision, visible à l’écran en détails, est un mélange supersonique d’explosion, de cascades et de ces étincelles qui, des ricochets des balles sur le béton de Benghazi aux entrechocs de ferraille entre deux robots, se reconnaissent entre mille. Dans ce fracas nonsensique et pourtant parfaitement organisé, on est comme à la maison.

Ce monde-là est un îlot familier et indépendant dans le cinéma mondial actuel.  Normal alors que les personnages d’AMBULANCE parlent des films de Michael Bay, ont probablement les goûts de Michael Bay, et parfois, sont mis en scène par Michael Bay comme des personnages de Michael Bay – très bel hommage à BAD BOYS le temps d’un plan furtif. Cinéma ludique – d’aucuns diraient « puéril », mais on opposerait plutôt « espiègle » –, AMBULANCE est toutefois débarrassé de toute la scatologie ou la misogynie qui venaient alourdir les rythmes effrénés des films du cinéaste. Jake Gyllenhaal, acteur Bayien par excellence, rappelle le Nicolas Cage biochimiste de la belle époque, dans ce qui reste l’un de ses rôles les plus excessifs (avec celui d’OKJA) et mémorables jusqu’à présent. Le lien qui unit Danny, son personnage, à Will, atteint parfois un certain sentimentalisme – une scène, sur le « Sailing » de Christopher Cross, exsude la poésie désespérée d’un THELMA ET LOUISE au masculin – toujours désamorcé par la pudeur, comme si Michael Bay s’interdisait de devenir trop sérieux. Mais la générosité d’AMBULANCE, elle, ne se prend pas à la légère.

De Michael Bay. Avec Jake Gyllenhaal, Yahya Abdul-Mateen II, Eiza Gonzalez. États-Unis. 2h16. En salles le 23 mars

4Etoiles

 

 

 

 

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