APOLLO 10 1/2 – LES FUSÉES DE MON ENFANCE : chronique

01-04-2022 - 10:40 - Par

APOLLO 10 1/2 – LES FUSÉES DE MON ENFANCE : chronique

Étrange et pourtant d’une redoutable efficacité, cette animation condense tout ce que l’on aime chez Richard Linklater. 

 

Il a étiré le temps dans BOYHOOD, il l’a condensé dans EVERYBODY WANTS SOME !! Il a fait de l’art du dialogue un mégaphone de l’intime dans SLACKER ou la trilogie BEFORE. Honoré la puissance de la culture populaire dans ROCK ACADEMY. Regardé une foule de jeunes gens devenir des grands. Et ce faisant, a bâti un cinéma glorifiant les petits riens qui font les grands tout – à savoir nos vies. Richard Linklater, l’un des plus discrets des grands cinéastes américains, condense tout ça dans APOLLO 10 ½ : LES FUSÉES DE MON ENFANCE. Étrange projet a priori que cette animation qui, filmée en partie en motion capture, use des mêmes procédés de rotoscopie que A SCANNER DARKLY. Cette esthétique, à contre-courant des modes de notre époque, se révèle d’une efficacité folle pour ce qu’elle insuffle de bizarre, de fantasmatique et aussi de nostalgique à l’entreprise. Une touche surannée en adéquation avec les premières secondes du film, qui enserrent le logo Netflix dans un vieux poste de télé, puis lui donnent diverses formes rappelant les génériques de séries d’antan – BATMAN, MA SORCIÈRE BIEN-AIMÉE… Fantasme et nostalgie sont donc au cœur d’APOLLO 10 ½ puisque son héros, Milo, apparaît comme un décalque de Linklater : tous deux grandissent à Houston, alors que la ville est un des centres américains de la conquête spatiale. À l’été 1969, Milo, pré-ado, est bientôt contacté par la NASA pour tester le module lunaire qui servira quelques semaines plus tard à la mission Apollo 11. Milo fantasme sans doute mais peu importe car, de toute façon, sa vie n’est, au quotidien, faite que de rêves et de promesses – engendrées par le progrès technologique, par le mode de vie américain, par le programme spatial. Un monde meilleur se profile, c’est certain. C’est ça que raconte Linklater : l’espoir insouciant des 60’s à travers le regard d’un gamin. Mais, par ricochet, il accède à une certaine universalité et intemporalité de l’enfance : les dessins animés qu’on regarde, les goûters après l’école, les disques transmis par les grands frères et grandes sœurs, les jeux avec les copains, les films vus en famille, ces petits moments de vie en parallèle de la grande Histoire en construction. Un âge, « dernière étape de l’enfance où tout va bien », qu’on se remémore avec mélancolie une fois adulte, une fois notre innocence brisée par la trivialité de la réalité, les deuils et les espoirs perdus. Rien de plombant pour autant : comme toujours chez Linklater, cette chronique du quotidien, sans sur-dramaturgie, se fait aussi dans le rire, la malice et la complicité. Sans doute parce que le cinéaste, audacieux, opte pour un récit à 80% en voix-off, tâche assumée par Jack Black, dont l’énergie fait passer ces 100 minutes en un clin d’œil. Énième preuve, indirecte, que Richard Linklater sculpte les mots et le temps comme personne.

De Richard Linklater. Avec Milo Coy, Glen Powell, Jack Black. États-Unis. 1h35. Sur Netflix le 1er avril

4Etoiles

 

 

 

 

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