CONTES DU HASARD ET AUTRES FANTAISIES : chronique

05-04-2022 - 10:29 - Par

CONTES DU HASARD ET AUTRES FANTAISIES : chronique

Après le splendide DRIVE MY CAR, ce film à sketches pourrait en comparaison apparaître très anodin. Et pourtant…

 

Les films à sketches, par leur nature papillonnante et fragmentaire, manquent généralement de cohérence et se révèlent souvent très inégaux. CONTES DU HASARD ET AUTRES FANTAISIES surmonte ces écueils en proposant trois histoires à la fois simples et d’une grande sophistication. Un triangle amoureux qui s’ignore. Une étudiante qui tente de séduire un professeur. Deux anciennes camarades de classe qui se croisent dans la rue. De ces trois prémices, Hamaguchi va faire naître des trésors d’inventivité. Tout d’abord parce qu’il explore le cœur de ces situations anodines ou quotidiennes avec tact et profondeur, ne laissant jamais place à la facilité – les sentiments des personnages se révèlent constamment plus complexes qu’ils n’y paraissent. Surtout, loin de se contenter de verser dans la petite chronique, il surprend le spectateur avec des rebondissements imprévisibles, idées remarquables qui insufflent à chaque segment une authentique originalité. Là se rejoignent forme et fond : le cinéaste conte les hasards qui bousculent nos existences, comment on les appréhende, comment on les subit, et fait subitement basculer chaque histoire dans l’inconnu. S’ouvre alors des horizons inattendus pour le spectateur qui, sans pour autant attendre un éventuel twist à chaque détour narratif, suit chaque scène, chaque dialogue, comme un mini-thriller de l’intime. Tout comme dans DRIVE MY CAR, le langage prend ainsi une place centrale. On n’y parle pas une multitude de langues différentes comme dans le précédent long-métrage du cinéaste, mais les mots restent aux avant-postes du récit : Hamaguchi filme des personnages discuter de leurs états d’âme, se combattre et/ou se séduire par le discours. Le second segment mène ce processus à son paroxysme en réifiant de manière frontale l’érotisme des mots, tandis que le dernier imagine un monde mis à genoux par un virus informatique, forçant chacun à abandonner l’e-mail et les réseaux pour des échanges plus organiques. Capturant les conflits ou les rapprochements avec une évidence frappante de cadrage et de mise en scène, Hamaguchi sait aussi tendre vers une artificialité bienvenue, notamment avec son usage fantasmatique du regard caméra pour de simples champs / contre-champs dialogués ou du zoom – qui, dans le premier segment, lui permet d’imposer avec brio une astuce narrative rebattue. Au-delà de la narration verbale et de thématiques communes, la cohésion absolue de CONTES DU HASARD ET AUTRES FANTAISIES émane ainsi également de la mise en image et en scène, ciment de ces histoires qui apparaissent alors comme constitutrices d’un seul et même récit. 

De Ryusuke Hamaguchi. Avec Kotone Furukawa, Katsuki Mori, Fusako Urabe. Japon. 2h01. En salles le 6 avril

4Etoiles

 

 

 

 

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