OGRE : chronique

20-04-2022 - 17:10 - Par

OGRE : chronique

Film social et rural, d’accord, mais surtout histoire d’épouvante racontée à travers les yeux d’un enfant malentendant. Surprenant.

 

Jules, 8 ans, débarque dans un nouveau village où lui et sa mère (Ana Girardot) sont accueillis par deux étranges commerçants, aussi inquiétants que les aubergistes d’un conte macabre. Sauf qu’il s’agit de Monsieur le Maire et son épouse. Mais dans les yeux de cet enfant, tout est terrifiant. Ses hôtes, bien sûr, cette grande chambre habitée par les ombres des arbres frappés par la lune, les bruits de la campagne, le médecin du village (Samuel Jouy, parfaitement ambigu) qui le trouve trop maigrichon, ses nouveaux camarades d’école. Pas facile de s’adapter, surtout quand c’est sa propre maman qui fait la classe. Elle et lui ont fui un homme violent et au grand désespoir de sa mère, qui voudrait que la page se tourne vite, Jules est encore angoissé, apeuré. La nuit, il entend une créature, il la voit près de son lit. C’est son imagination lui dit-on, ou peut-être sa manière d’exorciser la disparition d’un jeune garçon, introuvable depuis des semaines et pleuré par tous les voisins. Et puis il y a cette bête qui rôde et qui s’en prend aux troupeaux. Alors parfois, Jules éteint son appareil auditif et se coupe d’un monde violent. C’est là que privés de son, nous savons qu’il y a danger. L’urgence, de l’intrigue, de la réalisation, n’est pas celle de SANS UN BRUIT où la petite Millicent Simmonds, actrice sourde, guidait en grande partie la mise en scène. Mais reste que les situations sont bourrées de tension, au sein de ce village en vase clos. Raconté la plupart du temps à travers le point de vue de Jules, fervent lecteur de mangas, le film d’abord naturaliste, social quand il décrit en creux la désertion des services en milieu rural, prend des airs de récit merveilleux et lugubre. Il aurait été ainsi facile pour Arnaud Malherbe, le réalisateur, d’être allusif, de ne toucher le fantastique que de loin, et de faire du film une sorte de grande allégorie des violences familiales. Mais non, le genre est pris très au sérieux, même s’il n’existe longtemps que par petites touches pour réserver ses effets en fin de film. Toutefois, alors que tout prépare à un climax aux enjeux élevés, le dénouement manque trop d’élan et de puissance pour pleinement convaincre et emporter. Alors que ce qui s’y déroule est d’une grande poésie, comme si le récit déchaînait la nature pour un affrontement final, le moment, prometteur, tombe un peu à plat. Toutefois, le pari du conte merveilleux est remporté, aussi parce qu’il ne s’est pas encombré d’un folklore particulier et que le film sait surprendre du début à la fin. Notamment dans ce qu’il raconte de la vie comme un sempiternel affrontement entre les innocents et les prédateurs. 

D’Arnaud Malherbe. Avec Ana Girardot, Giovanni Pucci, Samuel Jouy. France. 1h43. En salles le 20 avril

3Etoiles

 

 

 

 

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