SENTINELLE SUD : chronique

27-04-2022 - 07:48 - Par

SENTINELLE SUD : chronique

Un premier long-métrage comme une évidence, qui fusionne habilement polar et chronique sociale. À ne pas manquer.

 

Une génération de metteurs en scène vient dédire les contempteurs du cinéma français qui n’y verraient que grosses comédies et films bourgeois. Mathieu Gérault, avec son premier long-métrage, rejoint ainsi le club des Fanny Liatard, Jérémy Trouilh, Arthur Harari ou Thomas Lilti qui, en radiographiant une spécificité (un décor, un milieu social ou professionnel, une époque), parviennent au cœur d’une certaine universalité. SENTINELLE SUD suit des soldats rapatriés en France après que leur unité a été décimée lors d’une opération secrète. Christian Lafayette (Niels Schneider) essaie de reprendre une vie civile mais il a la sensation de ne pas exister s’il ne peut être soldat, s’il ne peut vivre aux côtés de ses frères d’armes. Ça tombe bien : son ami Mounir (Sofian Khammes) a quelques soucis avec des trafiquants de drogue… On craint de voir SENTINELLE SUD arriver avec ses gros sabots mais il déjoue avec talent et subtilité toutes les attentes, et désamorce les images d’Épinal des genres dans lesquels il évolue. Mathieu Gérault projette sans introduction, efficacement, le spectateur dans son univers – une scène d’ouverture en boîte de nuit, sur le « Rollin’ & Scratching » de Daft Punk, puis une coupe brutale vers le décor suivant, un tribunal. Mais surtout, il démontre un immense talent de caractérisation de ses personnages : il suffit d’une courte réplique ici, d’un instant de vie anodin là–un collègue de Christian au supermarché, qui lui reproche de trop bien aligner les produits. Chaque personnage existe instantanément à l’image, dans ses évidences et ses mystères, notamment parce que Gérault ne sur-écrit pas ses dialogues et qu’il dispose d’interprètes remarquables – on ne louera jamais assez Sofian Khammes qui, face à un Niels Schneider très juste dans le mutisme, déploie une énergie folle mais jamais excessive. Il y a du Sidney Lumet dans cette capacité à trouver le cœur singulier de personnages alors même que le contexte et que le genre (ici le polar), pourraient faire tendre vers l’archétype. Fort d’une mise en scène discrète qui sait iconiser ou surligner quand il le faut – un braquage sec comme un coup de trique –, SENTINELLE SUD fusionne ainsi sans se forcer thriller et chronique sociale, où des notions très intimes comme la fraternité et la famille entrent en collision avec des concepts plus globaux comme l’immigration, la colonisation et la lutte des classes. Le plus touchant reste que, derrière cette proposition assurée réside une fragilité, une envie authentique de cinéma qui évite toute démonstration. Elle résonne encore longtemps après la projection. 

De Mathieu Gérault. Avec Niels Schneider, Sofian Khammes, India Hair. France. 1h36. En salles le 27 avril

4Etoiles

 

 

 

 

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