SUIS-MOI JE TE FUIS / FUIS-MOI JE TE SUIS : chronique

10-05-2022 - 11:08 - Par

SUIS-MOI JE TE FUIS / FUIS-MOI JE TE SUIS : chronique

L’amour est-il affaire de déterminisme ? Le réalisateur de HARMONIUM explore joliment la question dans ce diptyque habilement construit.

 

Il est le cliché du séducteur sympa, homme à femmes presque contre son gré. Elle est le parangon de l’ingénue fatale, qui attire les hommes de manière quasi mystique. Le jour où le destin met Tsuji et Ukiyo sur la route l’un de l’autre, ça ne peut faire que des étincelles. Durant presque quatre heures, ce diptyque superbement bien titré va ainsi lier et délier ce qui unit Tsuji et Ukiyo, multiplier les coups du sort pour mettre à l’épreuve leurs sentiments et leur fortitude. Et ce, alors que leur relation reste longtemps absolument chaste, et qu’autour d’eux gravitent hommes et femmes qui, désespérément, aimeraient se faire une place dans leur cœur. C’est de cette galerie étendue de personnages que naît la complexité : les relations que Tsuji et Ukiyo entretiennent avec leurs entourages insufflent une densité à leur caractérisation, les menant chacun tour à tour vers les parts les plus sombres de leur personnalité – lui a plusieurs fois des réflexes sexistes ; elle ment comme elle respire et s’impose aux autres sans ciller. Là, Koji Fukada prend sciemment le risque que le spectateur se détache de ses protagonistes, dont certaines motivations sont clairement désignées comme farfelues – « Elle a un charme étrange qui attire les hommes et fait qu’on ne peut pas la laisser tomber », dit-on d’Ukiyo comme pour justifier la ténacité de Tsuji à la sortir de mauvaises passes. Mais pour les comprendre, on peut compter sur la mise en scène, faite de longs plans et de lents zooms qui nous laissent entrer patiemment dans les situations et la psyché des personnages, autant que sur les prestations de Kaho Tsuchimura et Win Morisaki, à la fois parfaits dans l’archétype et dans une subtilité plus naturaliste. De la richesse de points de vue, le cinéaste tire un portrait sans concession du patriarcat à la japonaise, des pressions sociales qui pèsent sur ses compatriotes et, par ricochet, des clichés accolés aussi bien à la féminité qu’à la masculinité. Si le premier volet SUIS-MOI JE TE FUIS, qui rappelle TWO LOVERS, fascine de bout en bout, FUIS-MOI JE TE SUIS perd en force à multiplier les atermoiements, revirements et rebondissements. Là, le diptyque affiche même maladroitement sa nature épisodique – il est un remontage d’une série télévisée en dix épisodes. Le récit reprend néanmoins de sa superbe dans la dernière demi-heure, où l’idée d’absolu peut enfin se départir de sa toxicité à mesure que les personnages mettent leurs sentiments à nu. La construction quasi palindromique prend alors tout son sens, insufflant une vraie poésie aux dernières minutes. 

De Koji Fukada. Avec Kaho Tsuchimura, Win Morisaki, Kei Ishibashi Japon. 1h49 / 2h04. En salles le 11 mai (SUIS-MOI) et le 18 mai (FUIS-MOI)

4Etoiles

 

 

 

 

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