THE NORTHMAN : chronique

10-05-2022 - 11:13 - Par

THE NORTHMAN : chronique

Après THE VVITCH et THE LIGHTHOUSE, Robert Eggers confirme qu’il est un cinéaste essentiel avec ce film de Vikings exigeant et spectaculaire.

 

En s’attaquant au « film de Vikings », Robert Eggers s’attaque aussi au film de vengeance : lorsqu’enfant, Amleth voit son père, le roi Aurvandil (Ethan Hawke), être assassiné, il se promet de le venger et de sauver sa mère (Nicole Kidman), prisonnière de son oncle fratricide (Claes Bang). THE NORTHMAN se déploie donc autour d’une intrigue simple, ce qui n’a rien d’un souci, si ce n’est qu’ici, le cinéma d’Eggers perd légèrement en écriture. Ses personnages ne dégagent pas le même mystère que ceux de THE VVITCH et THE LIGHTHOUSE mais surtout, leur psyché et leurs émotions apparaissent mécaniques, en manque d’incarnation, et la plupart sont, si ce n’est unidimensionnels, au moins monolithiques – jusqu’à ce que le dernier tiers du récit parvienne enfin à les bousculer dans leurs certitudes et leur rigidité. THE NORTHMAN n’est en cela pas toujours aidé par la prestation d’Alexander Skarsgård, toute en force mais sans aspérité, vite dévorée par celle d’Anya Taylor-Joy, actrice fascinante qui se saisit avec panache d’un personnage qui l’est tout autant – peut-être aurait-elle fait une meilleure protagoniste. Pourtant, en dépit de ces failles, THE NORTHMAN s’impose comme une évidence de cinéma. Sans doute parce que, même si Robert Eggers doit composer avec une certaine exigence d’accessibilité due à son budget (entre 65 et 90 millions de dollars), on retrouve absolument toutes les composantes de son cinéma. À la puissance deux. Amateur du langage et du jeu sur les mots, il embrasse la nature shakespearienne et théâtrale de son récit : les dialogues, appuyés, insufflent à THE NORTHMAN une rugosité écrasante, et propulsent le spectateur dans un véritable ailleurs temporel et spatial. Film-film qui s’assume totalement, THE NORTHMAN, au-delà de la rigueur historique qui caractérise tous les films d’Eggers, n’a aucune réelle envie de naturalisme. Le cinéaste nous invite au cinéma, sans demi-mesure. Alors, en conjonction de la brutalité animale de son héros, qu’il filme frontalement, remède à la fascination morbide, le cinéaste impose une sorte d’ampleur sentencieuse. THE NORTHMAN hurle, bave, tue. Le sang se mélange à la boue, à la sueur et à la pluie, comme un cousin de THE REVENANT, en bien plus divertissant. La véracité côtoie le psychédélisme et l’ésotérisme ; les plans languides succèdent aux plans-séquences virtuoses ivres de mouvements. Et de ce mélange qui pourrait vite tomber dans un excès vain, naît un objet épique, envoûtant, singulier – qui, de surcroît, vieillit très bien après visionnage. Peu de cinéastes actuels filment les mythes et le folklore comme Eggers, avec autant d’exigence que de générosité. Ce serait péché de s’en priver. 

De Robert Eggers. Avec Alexander Skarsgård, Anya Taylor-Joy, Nicole Kidman. États-Unis. 2h16. En salles le 11 mai

4Etoiles

 

 

 

 

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