Cannes 2022 : TOP GUN – MAVERICK / chronique

18-05-2022 - 22:01 - Par

TOP GUN - MAVERICK : chronique

Mise en scène ultra spectaculaire et récit méta-testamentaire : palpitant et touchant, TOP GUN : MAVERICK est très largement supérieur au film originel.

 

« Le futur arrive et vous n’y avez pas votre place. » L’amiral Rear (Ed Harris) a beau parler d’aviateurs et de drones, les premiers étant voués selon lui à disparaître au profit des seconds, cette réplique cinglante prend forcément des atours méta quand elle est prononcée 1/à l’attention d’un personnage incarné par Tom Cruise, acteur dont la carrière est devenue une métaphore de lui-même, l’action star courant après l’adversité et le temps ; 2/dans un film faisant suite, 36 ans plus tard, à un succès iconique d’une ère du cinéma révolue, l’organique désormais remplacé par le numérique. Regardé à travers un prisme post-moderne, TOP GUN : MAVERICK s’impose immédiatement comme un engin théorique. Dès ses premières minutes, il nourrit déjà des angles d’analyse sur sa nature duale par exemple, en passant d’une ouverture-générique décalquant celle de TOP GUN à une séquence de vol d’essai typique de ce qu’on attend du cinéma virtuose, conceptuel et géométrique de Joseph Kosinski. Avec cette longue première scène, évocatrice et onirique, où Pete ‘Maverick’ Mitchell tente l’impossible, TOP GUN : MAVERICK contredit toutes les attentes et refuse d’être le legacyquel nostalgique qu’il aurait pu être, que l’industrie et ses nouvelles recettes auraient aimé qu’il soit. Oui, Pete Mitchell est rappelé par la Navy afin de former une douzaine de jeunes têtes brûlées pour une mission à haut risque. L’idée de transmission est donc centrale mais le héros de ce deuxième TOP GUN, c’est bien lui. Et c’est même là tout son problème : jusqu’à quand pourra-t-il être le héros ? Où et quand s’arrêter ? Ce cœur dramaturgique se révèle plutôt bien écrit : il confronte efficacement Mitchell à son passé et lui donne enfin une véritable épaisseur, quand il n’était qu’un archétype grossier dans le premier film. Surtout, il mène TOP GUN : MAVERICK à quelques sommets de tristesse et d’émotion – une scène centrale que l’on ne déflorera pas qui, par sa simplicité et sa justesse, touche jusqu’aux larmes. Le spectateur, bercé aux exploits de Tom Cruise depuis 40 ans, prend le relais théorique et a parfois la sensation d’assister ici à la fin d’une époque, aux derniers souffles testamentaires d’un cinéma de divertissement qui aime autant ses personnages que le spectacle, qui préfère les histoires aux concepts et qui continue de lutter pour ne pas devenir une espèce en voie d’extinction. TOP GUN : MAVERICK, dont l’intrigue n’est en fait qu’un simple MacGuffin par lequel se dévoilent ses héros, n’a pas la densité de MATRIX RÉSURRECTIONS, THE BATMAN ou WEST SIDE STORY, dernières grandes propositions hollywoodiennes. Il trébuche même complètement sur l’intrigue romantique entre Cruise et Jennifer Connelly, d’un autre temps, superficielle et inutile. Mais sa sincérité compense ses lacunes – jusque dans ses saillies humoristiques, toujours pertinentes et bien dosées. Car le parcours dramaturgique de Maverick et ses résonances méta sont réifiés à l’écran par la mise en scène de Joseph Kosinski. Loin des déballages tout-numériques désincarnés actuels, TOP GUN : MAVERICK fait en effet le choix de l’organique en filmant ses acteurs en vol, dans des F-18 pilotés par des militaires. Les séquences d’action, parfaitement découpées, toujours lisibles et portées par un souci constant de la rythmique, impressionnent donc d’autant plus qu’on ressent concrètement leur réalisme et l’impact physique sur les comédiens. Dans ce spectacle virtuose, taillé évidemment sur mesure pour le (très) grand écran, la licence TOP GUN se trouve une légitimité presque inédite et retrouve une nouvelle jeunesse : son dernier tiers joue habilement avec ses recettes pour les faire muter, comme si subsistait toujours en Tom Cruise une petite part d’Ethan Hunt. 

De Joseph Kosinski. Avec Tom Cruise, Jennifer Connelly, Miles Teller, Glen Powell, Jon Hamm… États-Unis. 2h11. En salles le 25 mai

4Etoiles

 

 

 

 

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