Cannes 2022 : COUPEZ ! / Critique

17-05-2022 - 20:55 - Par

Cannes 2022 : COUPEZ ! / Critique

De Michel Hazanavicius. Film d’ouverture – Sélection Officielle

 

Avec ce remake fidèle du film japonais NE COUPEZ PAS !, Michel Hazanavicius signe une « Nuit américaine des Morts Vivants » roublarde et charmante.

Si vous avez vu NE COUPEZ PAS !, le film de fin d’études de Shin’Ichirô Ueda, petit phénomène de festival de genre, vous savez pourquoi Michel Hazanavicius était sûrement l’un des rares cinéastes à pouvoir être aux commandes de son remake. D’ailleurs, c’est ce qui fait en partie le plaisir du spectateur qui connaît déjà cette histoire de série Z, de zombies mal dégrossis et de tournage chaotique : voir à quel point le réalisateur d’OSS, de LA CLASSE AMÉRICAINE, mais aussi de MES AMIS (son premier film auquel on pense beaucoup ici), est bon dans l’art de l’appropriation. Un cinéma au second degré qui prend ici tout son sens à la fois dans l’écran (sans trop en dire, COUPEZ ! est un film à tiroir, sur l’art de faire du cinéma, qui s’épanouit dans les multiples couches de récits et de lecture de l’image) mais aussi en tant que remake. Hazanavicius s’empare d’un dispositif amusant, très roublard, qu’il adapte à l’ère du temps d’un cinéma français inquiet de son propre avenir. C’est peut-être ce qui touche le plus dans cette histoire de cinéma : le portrait d’un monde artisanal, toujours au bord de l’épuisement, éreinté par l’absurde (Hazanavicius joue à merveille des contraintes débiles du remake) qui tente, quand même, de tenir debout malgré tout.

Dans la lignée des génies du Mischief Theater et de leur GOES WRONG SHOW, COUPEZ ! raconte l’histoire de gens qui font ce qu’ils peuvent, malgré tout. Et forcément, le rire – du côté des vaincus et non des vainqueurs – n’en est que plus communicatif et rassérénant. Ce qui démarrait comme un pastiche de films de série Z se transforme à rebours en un film étonnamment touchant. On imaginait Hazanavicius ironique, à l’humour méta facile (les 30 premières minutes du film peuvent facilement agacer par son aspect parodique peu inventif) mais intelligemment, le dispositif du film finit par effacer l’aura de l’auteur d’OSS pour redonner tout pouvoir créateur à ses personnages. Le « mauvais » film d’Hazanavicius devient l’émouvant film d’une troupe de gens qui surmontent comme ils peuvent les obstacles. Les jeux de mots pourris deviennent d’heureux hasards, le jeu excessif le symptôme d’un stress ingérable, la mise en scène cliché un accident à réparer, les dialogues indigents des bouées de sauvetage. Un renversement qui exige du spectateur une patience, une indulgence que la présence d’acteurs confirmés (Romain Duris, Bérénice Bejo, Finnegan Odfield, tous vraiment bons) peut parfois mettre à mal. On pourrait avoir l’impression que tout ça, au départ, sent un peu trop le canular chic. Mais si on se laisse porter par les personnages et leurs trajectoires, si on accepte à rebours de déconstruire le dispositif pour en percevoir la sincérité, alors COUPEZ ! révèle tout son charme, sa tendresse et son humour.

De Michel Hazanavicius. Avec Romain Duris, Bérénice Bejo, Finnegan Oldfield. France. 1h51. En salles le 17 mai

 

 

 

 

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