Cannes 2022 : WHEN YOU FINISH SAVING THE WORLD / Critique

18-05-2022 - 18:46 - Par

Cannes 2022 : WHEN YOU FINISH SAVING THE WORLD / Critique

De Jesse Eisenberg. Semaine de la critique, séance spéciale / ouverture

 

Jesse Eisenberg passe à la réalisation et emploie Finn Wolfhard dans un rôle de mini-me et Julianne Moore en Julianne Moore. Ennui poli.

Le cinéma indépendant américain est un business, où règne en maître, un peu comme Fox 2000 à l’époque, le très hype A24, « refuge des auteurs ». Au risque de le boboïser ? De le transformer en un autre Hollywood ? Possible. Quand il présente WHEN YOU FINISH SAVING THE WORLD sur scène, son réalisateur, Jesse Eisenberg, plaisante sur le nombre de personnes dans la salle qui peuvent avoir le logo d’A24 tatoué sur le bras. On a raillé des défenseurs de Netflix ou de Disney pour moins que ça, mais le ministudio est en odeur de sainteté. Ainsi il débarque cette année à la Semaine de la critique, sans attaché de presse français, sans aucune intention de faire se rencontrer la presse et l’équipe du film, capitalisant sur sa propre marque, la béatitude qu’elle génère, et le prestige de son affiche. À prendre ou à laisser.

Pour nous, ce sera sans façon. On a beau tenter de nous convaincre que le cinéma américain indépendant est une denrée rare – dans le discours de présentation du film –, c’est surtout un terrain balisé, sundancisé, South-by-Southwestisé jusqu’à la lie, dont seule une poignée de longs-métrages s’extirpe tous les ans, par la radicalité de leur ton, l’intelligence de leur mise en scène ou la violence de leur message. La tendance actuelle – qui dure toutefois depuis quelques années – c’est plutôt cette Amérique libérale blanche qui s’autodéprécie histoire de faire montre de recul – il faut dire que post GET OUT, elle n’a plus le choix. Persuadée de redoubler d’autodérision, elle ne voit pas tous les tics, les réflexes et les tropes qu’elle ressasse en images, étouffée par tous les Tracy Letts et les Julianne Moore de ce monde. Tracy Letts étant moins caricaturable que Julianne Moore, on le concède.

Nous voilà donc face au premier long-métrage de Jesse Eisenberg, l’histoire d’une mère et d’un fils si égocentrés qu’ils ne peuvent rien partager l’un avec l’autre. Elle est travailleuse sociale dans un refuge pour femmes battues et leurs enfants. Ainsi, elle (Julianne Moore toujours au bord de la crise de nerfs) tente de vivre par procuration tordue les émotions d’une vie de famille que son quotidien totalement frigide et conflictuel ne peut pas lui apporter. Lui, Ziggy, lycéen, fait des live musicaux sur Internet. Maladroit, empressé (Jesse Eisenberg en junior), il tombe amoureux d’une fille hyper politisée à l’école alors il veut, lui aussi, avoir des idées politiques à nourrir. Sa mère qui, pourtant, l’amenait manifester quand il était petit, avait espéré qu’il ait un peu plus de conscience. Pendant ce temps-là, le père explique à son fils (Ziggy, donc) que la réappropriation culturelle, c’est indécent. Avec un ton mi-blasé mi-insolent et une image automnale académique, le film déroule son petit portrait de famille, une famille qu’on a pu croiser cent fois sans s’en souvenir dans les années 2000 quand tous les KIDS ARE ALLRIGHT, les THUMBSUCKER, les films des Duplass ou autre Jason Reitmanerie inondaient les salles. Il y a indéniablement un petit moment de grâce cinématographique au beau milieu du film ; il y a surtout cette fin qui voudrait réconcilier une mère et un fils qui n’ont pas pu se saquer pendant 1h30 et nous faire croire que WHEN YOU FINISH SAVING THE WORLD est un film de personnages, sur un relation filiale compliquée et universelle. On y voit surtout une énième tentative de subvertir le rôle de mère, et au final, un produit anonyme et mineur.

De Jesse Eisenberg. Avec Finn Wolfhard, Julianne Moore. États-Unis. 1h30. Prochainement

 

 

 

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