Cannes 2022 : LES HUIT MONTAGNES / Critique

19-05-2022 - 16:17 - Par

Cannes 2022 : LES HUIT MONTAGNES / Critique

De Charlotte Vandermeersh et Felix Van Groeningen. Sélection officielle, Compétition

 

Synopsis officiel : Pietro est un garçon de la ville, Bruno est le dernier enfant à vivre dans un village oublié du Val d’Aoste. Ils se lient d’amitié dans ce coin caché des Alpes qui leur tient lieu de royaume. La vie les éloigne sans pouvoir les séparer complètement. Alors que Bruno reste fidèle à sa montagne, Pietro parcourt le monde. Cette traversée leur fera connaître l’amour et la perte, leurs origines et leurs destinées, mais surtout une amitié à la vie à la mort.

 

Un « copains des montagnes » sur fond de crise existentielle avec option conflit de classe et b.o. folk. La longue (très longue) adaptation calibrée d’un best-seller pas bien malin.

C’est un film feu de camp, bonnet en laine et barbe de trois jours. Mais tout ça avec le chic qu’il faut pour que ce soit instagrammable. Ça tombe bien les deux réalisateurs ont décidé de filmer cette histoire d’amitié dans les montagnes au format carré. Rien que cette idée là – filmer les sommets et les paysages dans le format réduit du « cinéma d’avant » – dit tout ce qui ne va pas dans ces HUIT MONTAGNES. Une façon de prendre la pose, de faire semblant d’être au naturel, de singer la liberté pour qu’il n’en reste que les oripeaux chics. Portrait d’une amitié au long court entre Pietro, un jeune garçon des villes – forcément un peu malheureux – et Bruno, un petit habitant des montagnes –forcément en décrochage mais peut-être un peu plus heureux parce que proche de la nature – le film est l’adaptation d’un best-seller. À la lettre, même. Une littérature de confort, dont la binarité et la banalité des poncifs doivent sûrement mieux passer à l’écrit qu’à l’image. Plombé par une voix off de futur écrivain (tout mâle en crise finit toujours par en faire un livre), le film déroule son petit programme de bromance contrariée, rat des villes, rat des champs, avec un manque de recul assez déroutant.

Succession de chromos au format carré sur la beauté de la nature, les papas trop durs (mais qui ont aussi été un jour des enfants), les femmes comme des mamans et l’amitié plus fort que tout, le film glisse dans les pas de son héros bourgeois, à la dépression franchement pas nouvelle, et fait l’erreur de laisser l’autre, l’ami de la montagne, le vrai personnage intéressant, de côté. Pourtant, une scène qui semble nouer les destins des deux enfants, les mettre au même niveau, tisse quelque chose de cruel de ce rapport de classe dominant / dominé. Elle laisse espérer un renversement du film, une lucidité appréciable qui détricoterait à rebours les clichés. Mais non. Tout est bien à sa place et l’ouvrier n’est là que pour rappeler à son copain bourgeois le sens des priorités. Tout est ici survolé, vaguement romanesque mais surtout très nombriliste, trop long (le film étire sur 2h30 une histoire qui tiendrait en 1h30) et frôle parfois le ridicule tant ce portrait égotique de mâle contemporain qui joue les cowboys a des allures de BROKEBACK MOUNTAIN désespérément hétéro ou de MANGE PRIE AIME à la testostérone. Pas vraiment un film, mais la mise en image du fantasme de ce pote citadin qui pendant le confinement vous expliquait qu’il allait tout plaquer pour s’installer à la campagne et « retrouver le vrai goût des choses ». Il a fini par acheter une machine à pain. C’est mieux que d’en faire un film.

De Charlotte Vandermeersh et Felix Van Groeningen. Avec Lucas Marinelli, Alessandro Borghi… 2h27. Belgique. En salles le 21 décembre

 

 

 

 

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