Cannes 2022 : MON PAYS IMAGINAIRE / Critique

21-05-2022 - 19:06 - Par

Cannes 2022 : MON PAYS IMAGINAIRE / Critique

De Patricio Guzmán. Sélection officielle, séance spéciale

 

À Cannes 2019, on avait laissé Patricio Guzmán inquiet du futur du Chili dans LA CORDILLÈRE DES SONGES. Il avait la sensation que le pays, embourbé dans l’ultra-libéralisme implanté depuis la dictature de Pinochet était anesthésié, incapable de se rebeller contre un système qui oppresse et divise. Comme si sa doléance avait été entendue, en octobre de la même année le Chili s’est embrasé. Il n’a fallu que 30 pesos. Quand les prix des tickets de métro ont augmenté, la jeunesse s’est rebellée, enjoignant les habitants de Santiago à sauter par-dessus les barrières pour marquer leur désaccord. Ce fut l’étincelle qui déclencha l’incendie. Petit à petit, tout le pays s’est mis à discuter, à marquer son désaccord, à prendre collectivement conscience des diverses injustices qui traversent le Chili, résistant tous ensemble à la violence de l’État qui a vite dépêché l’armée, rappelant les heures sombres de la dictature. Le Chili s’est engagé dans un combat pluriel mais soutenu qui a notamment culminé le 25 octobre 2019 avec une manifestation rassemblant plus d’un million de personnes rien que dans la capitale. Et la lutte venue du peuple, par le peuple et pour une nouvelle constitution a fonctionné car, en ce moment-même, une assemblée constituante est en train de la débattre et de la rédiger. Avec un enthousiasme palpable et à plus de 80 ans, Patricio Guzmán raconte cette révolution en marche, la puissance du collectif et la possibilité du réveil. Le cinéaste retrouve l’effervescence des années 1970 lors de l’élection de Salvador Allende et la croyance en un monde différent, meilleur peut-être. Dans MON PAYS IMAGINAIRE, il ne donne la parole qu’aux femmes, en particulier jeunes, car ce sont elles, selon lui, qui sont la véritable force vive du combat. Celles qui n’ont jamais cessé de se battre pour leurs droits, pour leur corps et pour ceux qui avaient disparu sous la dictature. Celles qui ne peuvent revenir en arrière, comme ce pays qui a goûté à l’espoir et qui ne peut plus faire demi-tour. Lucide, plus sage et ayant déjà vécu le terrible revers du putsch de 1973 qui a tué le rêve de sa génération, Patricio Guzmán ne désespère cependant pas que cette génération-là sera capable de rendre bien réel ce pays qu’il n’avait pu qu’imaginer jusqu’à présent. Une immense claque, une bouffée d’air nécessaire, MON PAYS IMAGINAIRE a l’énergie vitale dont on manquait désespérément.

De Patricio Guzman. Documentaire. France / Chili. 1h23. En salles le 26 octobre 2022. 

 

 

 

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