Cannes 2022 : WAR PONY / Critique

22-05-2022 - 08:38 - Par

Cannes 2022 : WAR PONY / Critique

De Riley Keough et Gina Gammell. Sélection officielle, Un Certain Regard

 

Une plongée chez les jeunes de la tribu Lakota, entre pauvreté et résilience.

Difficile de ne pas penser à la série RESERVATION DOGS devant WAR PONY, tant la manière de filmer des jeunes d’une réserve niaiser et miser sur la démerde se fait sur le même ton anecdotique visant le poétique, le philosophique, le cosmique. Mais le premier film de Riley Keough (actrice vue dans UNDER THE SILVER LAKE notamment) et Gina Gammell a des similitudes aussi avec le cinéma des marginaux comme WE ARE ANIMALS ou les longs-métrages de Benh Zeitlin. En posant sa caméra dans la tribu des Amérindiens Lakotas, en engageant des acteurs locaux et non professionnels, les réalisatrices pensaient peut-être faire preuve d’originalité et montrer une facette singulière de l’Amérique, une communauté à part. C’est oublier tout le travail effectué par Chloe Zhao entre LES CHANSONS QUE MES FRÈRES M’ONT APPRISES ou THE RIDER qui a offert une voix aux Lakotas au cinéma (et quelle voix !), sans une once de pornographie de la misère… ce qui n’est pas toujours, doit-on reconnaître, le cas ici.

C’est par la jeunesse que Keough et Gammell dressent le portrait des Lakotas. Elle, si paumée, dit quelque chose d’autant plus cruel sur l’impasse, l’espoir déçu qui mine la communauté. D’un côté Matho, 10 ans, se fait virer de chez lui quand il deale un sachet de drogue appartenant à son père. À la rue, il trouve refuge dans un foyer où chaque jeune est mis à contribution pour préparer de la méthamphétamine et la vendre à l’école. Bien vite, il tombe dans l’alcool et la délinquance. Bill, lui, à peine majeur, est père de deux gamins avec deux jeunes filles différentes. Pour subvenir aux besoins de sa famille, il décide de lancer un élevage de caniches. En attendant que ça rapporte, il trouve un job d’homme à tout faire chez un propriétaire terrien blanc. De l’isolement de la communauté à la mise à disposition, en toute impunité, de tous les toxiques, en passant par l’exploitation sexuelle des femmes ou le travail précaire des hommes, WAR PONY dépeint le néocolonialisme qui menace toujours plus les Amérindiens, dont la position au sein de l’Amérique est déjà très en marge. Le regard de cinéma posé sur ces personnages manque toujours de peu de verser dans le misérabilisme et Matho, enfant sauvage, en est la première victime – sa storyline est dickensienne. Il s’en est fallu de peu pour qu’on accuse le film de néocolonialisme culturel tant les deux réalisatrices n’offrent aucune porte d’élévation ou de transcendance à ses deux héros. Mais, alors que le film s’enfonce lentement dans les péripéties morbides et qu’on craint le pire en termes de catastrophes arbitraires et gratuites, il opère un tête-à-queue, complètement artificiel mais salvateur, vers une fin plus positive, plus heureuse, plus apaisée, plus poétique. Il y a un goût de tout ça pour ça, mais la fable est jolie.

De Riley Keough et Gina Gammell. Avec Woodrow Lone Elk, Ashley Shelton, Robert Stover. États-Unis. 1h55. Prochainement

 

 

 

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