Cannes 2022 : FUMER FAIT TOUSSER / Critique

22-05-2022 - 15:15 - Par

Cannes 2022 : FUMER FAIT TOUSSER / Critique

De Quentin Dupieux. Sélection officielle, hors compétition, séance de minuit

 

Des super-héros qui s’engueulent, des vacances entre amis qui dégénèrent, un rat libidineux, un robot suicidaire… Il y a tout ça et plus encore dans FUMER FAIT TOUSSER, faux n’importe quoi hilarant et vrai film inquiet. Du grand Dupieux.

Les films de Quentin Dupieux s’enchaînent mais ne se ressemblent pas. Enfin pas tout à fait. La première qualité de ce FUMER FAIT TOUSSER c’est de montrer à quel point le cinéaste trace une ligne claire qui n’appartient qu’à lui. Son cinéma se nourrit du chaos, du désordre du monde, de tout ce qu’il y a de pire dans les autres mais surtout en nous, pour en faire des histoires. Un goût du récit mêlé à un amour du bordel qui allume la mèche d’un cinéma joyeusement libre et terriblement flippé. L’un n’allant au fond jamais vraiment sans l’autre chez lui. FUMER FAIT TOUSSER s’ouvre donc sur le regard mélancolique d’un gamin en voiture qui s’ennuie. Papa clope, maman se tait et une envie pressante arrête le trajet. Et là, au milieu de nulle part, dans ce monde si banal qu’il en serait presque flippant, l’improbable surgit. Des super-héros façon Bioman, les TABAC FORCE se battent mollement contre une tortue gigantesque. Kitsch à souhait, l’effet est tordant. Littéralement. Il tord la réalité, la transforme, la décale, nous fait nous contorsionner pour voir le monde autrement. Et comme toujours avec Dupieux, ce n’est que le début et ça n’ira pas là où vous le souhaitez.

Joyeux bordel d’histoires dans l’Histoire, FUMER FAIT TOUSSER joue constamment avec le spectateur, zigzaguant entre les mondes, les genres et les personnages (casting royal d’habitués et de petits nouveaux dont un incroyable Gilles Lellouche en super relou) et tout ça l’air de rien, avec une facilité déconcertante. Dupieux a l’élégance de ne jamais faire durer les choses, de toujours préférer les effets de rupture, la découverte, la surprise constante du spectateur à la facilité du gag. À chaque fois qu’on pense le film sur des rails, il se barre joyeusement ailleurs, ouvre des portes sans les refermer, divague, bugUE et trouve sa propre forme. En apparence film à sketches façon CONTES DE LA CRYPTE, FUMER FAIT TOUSSER raconte un monde au bord du gouffre où les super-héros sont des blaireaux, les vacances entre potes virent au massacre lucide, les petites filles foutent la trouille et la fin du monde tient à l’heure de la soupe. Un faux foutoir de références et d’idées, à la fois hommage aux Nuls (et à RED IS DEAD), détournement de la pop culture (Chef Didier, tout droit sorti des TORTUES NINJA) et invention d’une SF absurde, qui permet subtilement au film de n’être jamais un « programme efficace », ni dans son fond ni dans sa forme. Dans un monde où tout a une fonction, où tout doit être lisible, pitchable et rentable, FUMER FAIT TOUSSER est un anti-film algorithmique, une comédie marrante-flippante, un film de super zéro, un film d’horreur détente, une comédie familiale sanglante, un film catastrophe domestique et même un mélo animalier. Un gros pied (de nez) de cinéma. Génial.

De Quentin Dupieux. Avec Anaïs Demoustier, Gilles Lellouche, Jean-Pascal Zadi… France. 1h20. Prochainement

 

 

 

 

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