Cannes 2022 : SANS FILTRE / Critique

22-05-2022 - 22:26 - Par

Cannes 2022 : SANS FILTRE / Critique

De Ruben Östlund. Sélection officielle, compétition

 

Le grand méchant Ruben Östlund revient pour une grosse farce burlesque sur l’argent et le pouvoir. Un film qui n’a rien à dire mais qui le dit bien.

La finesse n’a jamais été le fort de Ruben Östlund. Pourquoi pas, après tout. Cinéaste bourrin, sorte de Michael Haneke qui préférerait les coussins péteur à la badine rigoriste, Östlund convoque le pire de l’être humain dans ses films. Son regard, cynique et sarcastique, nous invite à nous repaître de nos pires travers, une sorte de gifle joyeuse où tout le monde se crache à la figure pour mieux en rire. La force de tout ça a ses limites et SANS FILTRE n’échappe à la règle. Satire de l’argent et de ses jeux de pouvoir, le film ne nous révèle pas grand-chose qu’on ne savait pas déjà. Le capitalisme se nourrit de la perversité des hommes, l’argent achète tout et la vie reste toujours vide, même avec une montre Rolex au poignet. Reste que pour une fois, ici, le cinéaste assume son côté amuseur bourgeois et préfère la grosse farce qui tache aux leçons morales pénibles de THE SQUARE. Découpé en trois actes suivant le parcours chaotique d’un couple d’influenceurs, d’abord au restaurant (la meilleure partie du film, fine et drôle, où Östlund fait ce qu’il sait faire de mieux : faire surgir le malaise de nos contradictions), puis sur un bateau de croisière qui va subir une avarie d’un genre singulier (le grand morceau de bravoure dégueu-drôle du film) et enfin sur une île déserte, lieu vierge qui rebat les cartes du pouvoir, SANS FILTRE déroule son petit précipité de perversion capitaliste avec pas mal d’alacrité. On rit, parfois avec honte, mais on rit. Östlund dérape, dérive et si, encore une fois le film ne brille pas par sa finesse, il tient au moins son tempo comique tout le long. Pour ça, il peut compter sur une bande d’acteurs et d’actrices vraiment à l’aise dans tous les registres et notamment Harris Dickinson, étonnant et touchant mannequin fragile qui voit ses certitudes vaciller. Dans un petit rôle tordant de capitaine de croisière communiste, Woody Harrelson s’amuse. La caméra tangue autour de lui et il semble regarder avec autant d’amusement et de perplexité que nous ce cinéma d’européen un peu fou. Moins punitif et minimaliste que THE SQUARE, SANS FILTRE libère un peu les personnages du cadre et leur offre un tout petit peu plus d’humanité. La traversée de toutes les tempêtes avec eux en est alors un peu moins désagréable. Cynique, sarcastique et grossier certes mais au moins franc du collier, le film assume ses excès et s’impose comme un spécimen curieux de cinéma défouloir qui permet à toute une salle de rire de ses angoisses et de la laideur du monde. Un peu vain mais pas si désagréable. À prendre ou à laisser.

De Ruben Östlund. Avec Harris Dickinson, Woody Harrelson, Charlbi Dean Kriek… Suède. 2h30. Prochainement

 

 

 

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