Cannes 2022 : CLOSE / Critique

27-05-2022 - 14:59 - Par

Cannes 2022 : CLOSE / Critique

De Lukas Dhont. Sélection officielle, compétition

Après l’impressionnant GIRL, Lukas Dhont confirme qu’il a l’art du mélo pudique et ténu. Un film douloureux à la beauté fragile.

Ils sont peu nombreux les cinéastes capables de tenir un film sur des regards et des silences. Déjà dans GIRL, portrait brut d’une jeune femme en transition rêvant de devenir danseuse, Lukas Dhont saisissait par le corps et les gestes, toute la ferveur, la violence et la grâce de son sujet. Ici avec ce second long, il va chercher les regards. Qu’est-ce que les yeux racontent que les mots ne peuvent pas dire ? Pour saisir cette idée de cinéma, Lukas Dhont colle à l’amitié indéfectible, joyeuse et turbulente de deux garçons, au bord de l’adolescence. Rémi et Leo sont inséparables (incroyables performances des deux jeunes interprètes Eden Dambrine et Gustav De Waele). Ils courent, jouent, se racontent des histoires comme des enfants. La caméra de Dhont filme dans leurs regards le sentiment d’appartenir à l’autre, de savoir qu’il sera toujours là. Un sentiment inexplicable, abstrait, que le réalisateur réussit brillamment à faire éclater sur tout l’écran. Une histoire d’amour qui n’en est pas une. En tout cas, dans leurs yeux, ces mots-là n’existent pas. Intelligemment, Dhont alors place ces mots dans le regard des autres. L’arrivée au collège vient soudain jeter sur ces deux amis un soupçon. Une phrase, dans la cour d’école, va faire tout basculer. Dans le regard de Rémi quelque chose change. La honte et la peur viennent soudain séparer violemment les deux inséparables. Magnifique idée de cinéma, pudique et puissante, qui tout en épousant la banalité du quotidien voit le regard des personnages l’un sur l’autre se transformer. Sur le visage de Rémi, il y a la peur. Sur celui de Léo, l’incompréhension. Il faut être un grand cinéaste pour réussir à saisir ça, sans mots, juste avec sa caméra.

Arrivée à ce climax – dont une scène de dispute terrible où le corps prend soudain le relais pour exprimer les non-dits –, le film opte pour un versant tragique choc. L’effet est fort et film et spectateurs de devoir composer avec ce geste. Peut-être est-il un peu trop programmatique (le discours appuyé sur le stéréotype masculin, la métaphore de la nature), un peu trop tragique pour trouver totalement sa place à la suite de cette première partie si belle et si pudique. Dans le regard de Rémi, devenu le personnage principal, il y a l’absence, la douleur et une forme de stupeur. Lentement, le film va vers une forme de réconciliation, le croisement d’un autre regard, celui de la mère de Léo (Emilie Dequenne). Magnifique à nouveau quand il laisse ses personnages n’être que des regards embués, inquiets, perdus en eux-mêmes (une scène de repas, sublime), CLOSE est un poil plus convenu quand il fabrique du drame (une scène de fin dans la forêt trop mélo). Pour autant, Dhont s’affirme ici comme un cinéaste définitivement majeur, capable quand il est à son meilleur de faire tenir dans un seul plan l’âme, les larmes et les sourires d’une vie. La beauté de CLOSE est fragile et si parfois elle se ternit un peu au coin du drame (comme le final un peu raide de GIRL), elle rejaillit soudain dans la simplicité et la force d’un plan, d’un regard.

De Lukas Dhont. Avec Eden Dambrine, Gustav De Waele, Emilie Dequenne. Belgique. 1h45. Prochainement

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.