Annecy 2022 : L’ÎLE / Critique

La réalisatrice de L’EXTRAORDINAIRE VOYAGE DE MARONA revient avec un long métrage aussi engagé et inventif que débraillé. 

 

Ils sont nombreux, et régulièrement magnifiquement bien faits, les films d’animation aux enjeux politiques forts, de VALSE AVEC BACHIR à FLEE en passant par LES HIRONDELLES DE KABOUL. Souvent inspirés d’histoires vraies, voire carrément documentaires, rares sont ceux qui osent le conceptuel ou l’abstraction pour exprimer tout ce qui ne tourne pas rond dans ce bas monde. Mais la Roumaine Anca Damian n’a peur de rien. Après le beau LA MONTAGNE MAGIQUE et le plus enfantin quoique dévastateur L’INCROYABLE VOYAGE DE MARONA, la cinéaste se lance dans un long-métrage poétique sur le canevas bien connu de Robinson Crusoé pour s’en prendre aussi bien au consumérisme à outrance, au drame des migrants, au désastre écologique et à la guerre, pour mettre en scène la solitude, la fidélité, l’innocence ou encore l’amour inconditionnel. À la limite de l’expérimental, L’ÎLE tend parfois vers l’art contemporain, proposant un collage où se croisent la pièce de théâtre surréaliste dont il est inspiré, Insula de Gellu Naum, mythes et religions, film musical et une animation inspirée autant de Miro, Dali et Jérôme Bosch (pour ne citer qu’eux) que du Burning Man et des images d’actualité ou documentaires type FUOCOAMMARE de Gianfranco Rosi. Bref, c’est riche. Et peut-être trop. Un peu comme une enfant géniale à qui l’on n’imposerait aucune limite, la réalisatrice laisse libre court à son imagination débordante, à sa folie créatrice et à son coup de crayon superbe, au risque d’épuiser un spectateur déjà perdu entre les litanies en boucle, la musique tzigane d’Alexander Bālānescu et une narration complètement éclatée. Peut-être que la meilleure manière de le regarder est-elle encore de n’offrir aucune résistance, ni désir de logique ? C’est en tout cas le seul moyen de profiter de chaque tableau, tous plus créatifs que le précédent. L’ÎLE n’est pas une sinécure mais une démonstration de force d’une artiste talentueuse, aux idées foisonnantes et à l’engagement chevillé au pinceau.

De Anca Damian. Roumanie / France. 1h25. Prochainement