BLACK PHONE : chronique

21-06-2022 - 15:08 - Par

BLACK PHONE : chronique

Deux ou trois jumps cares superflus n’entament jamais la puissance émotionnelle de BLACK PHONE, combat des enfants contre les adultes.

 

C’est un retour dans l’Amérique des années 70 effarant de réalisme que propose Scott Derrickson avec BLACK PHONE. Les parents à la main leste, les bagarres sanglantes dans la cour de récré, les tueurs en série qui frappent à l’aveugle… Les enfants peuvent-ils grandir heureux face à une telle violence quotidienne et banalisée, semble interroger le metteur en scène, dont c’est ici une partie de ses propres souvenirs qu’il ressasse. Pourquoi les adultes sont-ils incapables de les en protéger ? À Denver, autour de Finney (Mason Thames) et Gwen (Madeleine McGraw, impressionnante), frère et sœur, des garçons disparaissent. Robin, Bruce, Vance… Tous ont été victimes de l’Attrapeur (the Grabber, en VO), un tueur d’enfants déguisé en magicien qui rôde dans sa camionnette noire. Finney est lui aussi kidnappé. Gwen, qui a les mêmes pouvoirs médiumniques que sa mère décédée, a des visions qu’elle tente de décrire aux autorités. Mais son père, alcoolique, la bat dès qu’elle les évoque. Du fond de la cave où il est retenu captif, Finney est contacté, à travers un vieux téléphone noir qui ne fonctionne plus, par les victimes du Grabber. Elles apparaissent parfois à ses côtés, comme des spectres mutilés, depuis le fin-fond de leur enfer. Qu’ils ne se souviennent plus de leur prénom ou qu’ils se remémorent douloureusement leur agonie, ces jeunes ados veulent tous partager avec Finn leur expérience et lui offrir une chance d’en réchapper. Les visions sont horrifiques mais ce sont surtout l’indicible tristesse de ces morts, les souffrances et la solitude, qui émanent du fantastique. Ce n’est alors pas sans rappeler le puissant cinéma d’épouvante et de hantise de Mike Flanagan (THE HAUNTING OF HILL HOUSE, DOCTOR SLEEP). Toujours plus de sentiments à vif et moins d’effets superflus – on enlèverait bien un ou deux jumpscares à BLACK PHONE et sa noirceur friserait la perfection : ce ton si malheureux, ce spleen tenace qui fait froid dans le dos, vient aussi de Joe Hill, auteur de la nouvelle adaptée ici et fils de Stephen King, inspiration majeure de Flanagan. Il n’y a pas de hasard. Si BLACK PHONE se démarque du tout-venant Jason Blum-esque en collant un cafard d’anthologie, il ne possède pas moins l’efficacité des productions BlumHouse, notamment grâce à la figure du Grabber, incarné par Ethan Hawke (déjà de SINISTER l’autre meilleur film de Scott Derrickson). L’acteur planqué derrière un masque qui lui recouvre à moitié le visage a une telle présence reptilienne, malsaine, que le film nous colle à la peau, poisseux. Par son corps et sa voix, il incarne tout ce qui pervertit les âges insouciants. Une performance terriblement repoussante pour parfaire le pouvoir d’évocation d’un immense film sur l’enfer de l’enfance. 

De Scott Derrickson. Avec Mason Thames, Ethan Hawke, Madeleine McGraw. États-Unis. 1h43. En salles le 22 juin

4Etoiles

 

 

 

 

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