PETER VON KANT : chronique

05-07-2022 - 16:12 - Par

PETER VON KANT : chronique

Avec cette réécriture virtuose du PETRA VON KANT de Fassbinder au masculin, Ozon signe un mélo amoureux cruel, où rugit l’incroyable Denis Ménochet.

 

François Ozon peut et sait tout faire. Comédie, mélo, fantastique, film en costumes, musical, son œuvre zigzague amoureusement entre les genres ; lui, enchaîne les projets à vive allure, si bien qu’on craint de le perdre. Et pourtant, à chaque fois, il nous rattrape. À peine remis de son surprenant et émouvant TOUT S’EST BIEN PASSÉ – beau film à la ligne claire –, le voici qui prend le contrepied total avec ce PETER VON KANT merveilleusement baroque et tordu. Reprenant l’intrigue des LARMES AMÈRES DE PETRA VON KANT, huis clos lesbien sur la cruauté des rapports humains, Ozon met le récit au masculin et double ce projet d’un portrait en creux de Rainer Werner Fassbinder lui-même. Petra, créatrice de mode, devient donc Peter, réalisateur allemand génial, star du cinéma d’auteur des 1970’s, dont la carrure imposante cache des montagnes d’angoisse et de solitude. Bien sûr, si l’on connaît l’œuvre de Fassbinder, le film amuse tout de suite. Mais le génie d’Ozon a toujours été de savoir et de vouloir parler à tout le monde. Alors ce PETER VON KANT a beau être un film à tiroirs, il est aussi et avant tout un puissant film de cinéma, joueur et généreux qui emporte le spectateur dans une jubilation constante. Dans son appartement dédié à son image (le travail sur le décor est fabuleux), Peter fait régner la terreur, danse, chante, boit (beaucoup), se drogue. L’arrivée d’une vieille amie, starlette hollywoodienne sur le retour interprétée avec ironie par Isabelle Adjani, va faire basculer Peter dans la folie amoureuse quand elle lui présente Amir, un jeune acteur (Khalil Ben Gharbia, véritable révélation). Si le cinéma de Fassbinder a toujours traité des rapports de force et de domination qui régissent le monde, celui d’Ozon, lui, s’est toujours intéressé au faux, à ce qui nous leurre, ce qui nous égare. Son PETER VON KANT, furieux mélo cru et stylisé, devient alors très vite un film sur le cinéma lui-même, l’érotisme des images, le désir de s’y perdre, leur vacuité. Entièrement porté par la prestation burlesque et gigantesque de Denis Ménochet (merci de lui donner ce César qu’il mérite depuis longtemps), le film bref et pourtant dense impressionne par sa liberté, sa complexité, son humour, ses faux semblants, sa cruauté d’apparat rigolarde et ses soudains abîmes terrifiants. Un film de monstre déguisé en hommage, un huis clos théâtral pour mieux libérer la force de cinéma tonitruante d’un interprète génial, un mélo tout en miroir qui cache peut-être un autoportrait inquiet. Troublant, sexy et iconoclaste : du grand François Ozon. 

De François Ozon. Avec Denis Ménochet, Isabelle Adjani, Khalil Ben Gharbia. France. 1h25. En salles le 6 juillet

4Etoiles

 

 

 

 

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