L’ORIGINE DU MAL : chronique
05-10-2022 - 09:37 -
Sébastien Marnier livre un thriller en forme de jeu de massacre. Baroque, méchant et déroutant. Le mariage réjouissant et réussi entre Chabrol et De Palma.
Amateur de cinéma propre sur lui, passez votre chemin. Malgré son casting très cinéma français, L’ORIGINE DU MAL a plus à voir avec le mauvais esprit anglais, son art du croche-patte avec le sourire, qu’avec la bienséance du cinéma d’auteur. Sébastien Marnier aime le genre, les histoires à tiroirs, les personnages grandiloquents, les demeures inquiétantes et les coups de théâtre. Alors, roublard, il déguise son goût du trop derrière une apparente mesure de rigueur. L’ORIGINE DU MAL s’ouvre comme un petit polar social. Une jeune ouvrière prend son courage à deux mains et finit par appeler ce père très riche qu’elle n’a pas connu, pour lui demander de l’aide. Une fois arrivée dans sa demeure isolée, la voilà proie d’une famille dysfonctionnelle où belle-mère, demi-sœur, nièce et même femme de chambre semblent observer d’un mauvais œil les largesses et le sourire du patriarche vieillissant. Mais est-elle vraiment la proie ou une prédatrice ? Habilement, le cinéaste joue avec les codes, excite notre attention par des scènes pleines d’effets, d’indices et de mystères. À la manière d’un Chabrol, le film croque la laideur d’une bourgeoisie rance, momifiée par l’argent, où l’on pourrait à tout instant entrapercevoir le pire derrière les bonnes manières (un geste violent par-ci, une saillie antisémite par-là, un regard concupiscent…). Mais Marnier est un cinéaste d’aujourd’hui et plutôt que se contenter de déplorer le système, il l’invective par ses images, l’interroge, le détourne et joue, à la manière d’un De Palma, avec le ridicule. Twist rocambolesque, composition dégénérée (du grand Dominique Blanc !), mystère épais, tout est trop dans L’ORIGINE DU MAL. L’excès comme une façon de réveiller le spectateur, de saisir par l’outrance d’une mise en scène théâtrale toute la cruauté en marche ici, de comprendre par les nuances déroutantes du jeu la trajectoire violente de ces femmes entre elles. Qui mieux que Laure Calamy, tornade de cinéma, corps tremblant au débit frénétique, pour incarner ce cinéma sur la crète ? Impressionnante, elle emporte avec elle toute une troupe où règne Jacques Weber, puissant en patriarche pathétique et inquiétant. Film de faussaires, jeu de dupes où l’image léchée mêle premier et deuxième degré, satire et empathie, ce polar iconoclaste décevra peut-être ceux qui voudraient que tout y soit clair et à sa place. Nous, on aurait même aimé qu’il soit encore plus tortueux. Mais pour peu qu’on sache s’abandonner aux soubresauts d’un récit, qu’on aime se laisser malmener par un film méchant et mal élevé, romanesque et too much, L’ORIGINE DU MAL est un pur plaisir de cinéma. De Sébastien Marnier. Avec Laure Calamy, Dominique Blanc, Jacques Weber. France. 2h05. En salles le 5 octobre
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