LE MENU : chronique

22-11-2022 - 18:03 - Par

LE MENU : chronique

Un casting 5 étoiles au service d’une satire féroce de l’embourgeoisement de la gastronomie. Mais pas que.

 

À les voir embarquer pour une île privatisée par un restaurateur-star, se pavaner dans les potagers bio et frémir à l’idée de manger du bout des lèvres un dîner-mystère hors-de-prix, on a déjà envie de détester les personnages du MENU. Sauf bien sûr Margot (Anya Taylor-Joy), légèrement pas à sa place, contemplant ce cirque tantôt amusée, tantôt exaspérée, et objet de toutes nos identifications. Elle accompagne Tyler (Nicholas Hoult, pas très bon dans le film, faut-il avouer) au pied levé si bien que ce n’est pas son nom sur la liste très select des guests. Et ce petit raté exaspère particulièrement Elsa (Hong Chau) chargée de leur faire visiter le site. Heureusement que ce n’est pas pour la qualité de l’accueil que ces riches parvenus se sont déplacés. Car le chef Slowik (Ralph Fiennes) a un melon d’anthologie et mène sa brigade avec une main militaire. Si militaire d’ailleurs que ce repas pue la mort. Pas sûr qu’aucun des cadres de la Tech présents dans la salle (trio savoureux composé de Arturo Castro, Rob Yang et Mark St Cyr) n’en réchappe indemne. Pas plus que l’acteur has been (John Leguizamo) et son assistante (Aimee Carrero), la critique culinaire réputée (Janet McTeer), le vieux couple amoureux (Reed Birney et Judith Light). Ni même Tyler, d’ailleurs, influenceur et lèche-botte de première. Au même titre que certains toqués-vedettes qui « racontent des histoires » ou tarifent davantage l’expérience que ce qu’ils mettent dans l’assiette, Tyler galvaude le vocabulaire (« mélange de saveurs et de textures », « yuzu », « c’est gourmand » et autre « sucrosité ») et la générosité première de la cuisine. En filmant la gentrification de la gastronomie comme une sorte de fascisme culturel – la chorégraphie millimétrée de la brigade, le dévouement aveugle au chef –, le réalisateur Mark Mylod échafaude une tension à base de répliques cinglantes, de visages humiliés et une mise en scène des personnages révélant des rapports de force particulièrement pervers. Au fur et à mesure que les personnages se dévoilent vraiment, le message du MENU, passant de comédie noire à film d’horreur, devient plus clair. Et si l’embourgeoisement de la cuisine n’était qu’un symptôme parmi d’autres de la scission globale, et très contemporaine, entre les privilégiés et les autres ? Le réalisateur se farcit non seulement « Top Chef », « Master Chef » et consort, mais se livre à une critique hyper-virulente des sociétés occidentales du patriarcat, du paraître, du fric, de la réussite et du tout tout de suite, qui laisse les gens simples à leur rôle d’observateurs du bon-vivre des autres. Dans la folie qui gagne le film, il y a des scènes particulièrement réussies par leur colère et leur sarcasme. Ça défoule.

De Mark Mylod. Avec Anya Taylor-Joy, Ralph Fiennes, Nicholas Hoult. États-Unis. 1h47. En salles le 23 novembre

4Etoiles

 

 

 

 

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