LES BONNES ÉTOILES : chronique

07-12-2022 - 10:30 - Par

LES BONNES ÉTOILES : chronique

Tout Kore-eda, mais en Corée. Préparez les mouchoirs.

 

En se délocalisant en Corée, Hirokazu Kore-eda n’a pas oublié les grandes lignes de son cinéma : une exploration des liens familiaux et, plus largement, de ce qui unit les êtres et rend la vie supportable. Le cinéaste n’a eu de cesse d’étudier ce qui fait de nous des animaux sociaux, de radiographier comment nos sociétés se forment ou se déchirent – un cinéma hautement politique, au sens premier du terme, et qui, par sa spécificité, atteint toujours une universalité par l’émotion. Il pose ici sa caméra à Busan où le patron d’un petit pressing, Sang-hyun (Song Kang-ho) mène un trafic avec Dong-soo (Gang Dong-won), employé d’une église. La nuit, des femmes désespérées y abandonnent des enfants dans des « boîtes à bébés ». Pour leur éviter l’orphelinat, les deux hommes subtilisent les nourrissons et les revendent. Jusqu’au jour où Soo-jin (Doona Bae), policière, les prend en chasse… LES BONNES ÉTOILES requiert un léger temps d’acclimatation. Peut-être celui qu’il a fallu à Kore-eda pour s’habituer à ces nouveaux décors, à cette nouvelle langue – d’autant que LES BONNES ÉTOILES s’inscrit dans la lignée du cinéma coréen contemporain, plus que du japonais. Le récit peine à l’allumage, son rythme enrayé par un trop-plein d’intrigue. Peut-être aussi que la collaboration du cinéaste avec Song Kang-ho a suscité beaucoup de fantasmes auxquels ils ne répondent aucunement, refusant toute ritualisation. Puis, peu à peu, parce que Kore-eda reste ce maître de la comédie humaine, chaque personnage transcende la fonction trompeuse que le récit lui avait assignée au départ. Ils se révèlent dans les non-dits et les silences, les confessions à demi-mots et les regards tristes. Les discussions sur l’abandon, l’avortement, le désir ou non de parentalité se font de plus en plus graves, avec un réel souci de justesse. De la complexification des questionnements naît alors l’empathie. Cette manière de sonder les points de vue et les états d’âme sans les juger, mais en leur donnant un passif, reste la grande force de Kore-eda. Les moments de grâce se succèdent (un rire collectif au car wash ; une discussion au téléphone avec un mari resté à la maison ; une main qui cache des larmes…) et soudainement, sans appuyer sa mécanique, LES BONNES ÉTOILES bouleverse. À mesure que l’on connaît ces personnages abîmés qui, ensemble, se font du bien, une mélancolie s’installe et une lame de fond d’émotions grandit sans que l’on s’en rende compte, venant tout dévaster. De quoi inscrire LES BONNES ÉTOILES dans la continuité de TEL PÈRE, TEL FILS et UNE HISTOIRE DE FAMILLE, en une sorte d’officieuse trilogie.

De Hirokazu Kore-eda. Avec Song Kang-ho, Doona Bae, Gang Dong-won. Corée. 2h10. En salles le 7 décembre

4Etoiles

 

 

 

 

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