AVATAR – LA VOIE DE L’EAU : chronique

13-12-2022 - 18:00 - Par

AVATAR – LA VOIE DE L’EAU : chronique

Treize ans après AVATAR, James Cameron revient avec une suite à la fois plus bancale et bien plus satisfaisante. Un vrai beau moment de cinéma.

 

Quinze ans après les événements du premier film, Pandora est de nouveau soumise aux assauts des Terriens. Lorsqu’un vieil ennemi resurgit du passé, Jake, Neytiri et leurs enfants doivent fuir la forêt pour se réfugier auprès de Na’vis vivant au plus près de l’océan…

Ils sont ce qu’ils sont, mais les adages populaires recèlent parfois d’une certaine pertinence. « Le mieux est l’ennemi du bien » pourrait s’appliquer à la perfection à AVATAR et à sa suite très longuement attendue. Car en dépit de toutes ses scories, plus marquées que celles de son prédécesseur, LA VOIE DE L’EAU se révèle un bien meilleur film. Peut-être parce que, dans la démonstration de force technique qui était la sienne et dans sa relecture SF et futuriste de grands mythes, dont celui de Pocahontas (ce n’est pas une injure), AVATAR avançait tel un rouleau compresseur, écrasant toute subtilité sur son passage. LA VOIE DE L’EAU, lui, en dépit de tous les enjeux économiques qui l’accompagne, se révèle parfaitement apaisé, ne cherchant jamais réellement à imposer une sur-efficacité. Il trouve même dans ses errances son ADN et un inépuisable pouvoir d’évocation.

À l’image de ses tout premiers plans aériens au-dessus de la canopée de Pandora, LA VOIE DE L’EAU prend le temps de la balade, de la contemplation et, par ricochet, de l’immersion. Ce temps, parfois distendu, joue pourtant au départ contre le film : la dramaturgie peine, le montage apparaît complaisant, Cameron passant beaucoup de temps à admirer ses propres images. Là, AVATAR 2 dissémine même une foule de défauts plus ou moins évidents. Le résumé des quinze ans écoulés ou l’exposition fastidieuse du retour de Quaritch n’ont pas l’évidence fluide du cinéma de James Cameron. Le HFR (48 images / seconde) impressionne dans les scènes sous-marines mais horrifie souvent lors des scènes terrestres tant il rappelle le motion smoothing des téléviseurs. Le récit dérive parfois vers un patriarcat gênant de simplisme (« Un père, ça protège »), d’autant plus étonnant que le film questionne dans le même temps un certain masculinisme – de manière frontale chez Quaritch et ses sbires, plus insidieuse chez les Na’vis. À ce titre, le très beau personnage de Neytiri apparaît ici totalement sacrifié, toujours entre hystérie criarde et pleurs impuissants. Les méchants, de Quaritch à Scoresby en passant par Ardmore, souffrent d’une écriture de plus en plus caricaturale.

Et pourtant… tout ce qui déraille dans LA VOIE DE L’EAU ne vient jamais entamer la magie qui se joue à l’écran. Car c’est aussi par l’aveu conscient ou non de ses faiblesses que LA VOIE DE L’EAU s’insinue dans l’œil et le cœur du spectateur. Si les deux premières heures se révèlent moins rigoureuses et puissantes que la troisième, elles n’en sont pas moins utiles dans la construction du spectacle et de l’atmosphère : l’errance qu’elles proposent, ces longues séquences muettes d’exploration de la nature poussent le spectateur au lâcher-prise. D’autant que James Cameron, bien qu’il rejoue une partie de son cinéma en empruntant à ABYSS, TERMINATOR 2 et TITANIC, a l’intelligence de bouleverser la matrice de la franchise AVATAR : il fait des héros du premier film des personnages secondaires pour s’intéresser avant tout à leurs enfants, véritables protagonistes. Grâce à eux, notamment Lo’ak et surtout Kiri, splendide icone new age, émergent la profondeur thématique de LA VOIE DE L’EAU, des émotions dévastatrices et la promesse d’un avenir passionnant pour la saga. Qu’il explore la friction entre générations sur la notion d’engagement, qu’il nous confronte à la souffrance animale lors d’une époustouflante et effrayante séquence de chasse à la baleine, qu’il repousse les limites des effets visuels pour atteindre un photoréalisme étourdissant ou qu’il fasse preuve d’une maestria constante de mise en scène, tant dans la contemplation que dans l’action, James Cameron trouve ici l’équilibre parfait entre sa virtuosité et les élans de son cœur. Si bien qu’au lieu d’asséner un spectacle comme il le faisait dans AVATAR, ici, il le partage.

De James Cameron. Avec Sigourney Weaver, Britain Dalton, Zoe Saldana, Sam Worthington, Kate Winslet, Cliff Curtis, Jamie Flatters… États-Unis. 3h12

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.